Lors de l’écriture d’un texte destiné à être lu, il y a toujours au minimum deux étapes : l’écriture et la correction. Certains auteurs (architectes) ajoutent une étape préliminaire de planification du projet, d’autres (pas doués) se retrouvent à passer par une réécriture.
La différence que je fais entre réécriture et correction, c’est le matériau de base. Lors d’une correction, je prends mon premier jet et je le modifie (plus ou moins selon les besoins). Lors d’une réécriture… je repars d’une page blanche. Il ne s’agit pas d’un nouveau texte. Lorsque je réécris, je garde l’idée du texte d’origine, ses personnages, le gros de son intrigue… alors pourquoi ne pas utiliser mon premier jet que j’ai mis des mois à écrire ?
Tout simplement parce que lorsque la réécriture s’impose, c’est que le texte d’origine a d’énormes lacunes. Car s’il arrive de devoir réécrire certaines scènes… une réécriture intégrale révèle en général un problème structurel. Une nécessité de revoir l’intrigue en profondeur, de reprendre entièrement le caractère des personnages ou le rythme de l’histoire.
Le style est souvent le plus facile à corriger à partir d’une base existante. La seule fois où une réécriture m’a servi à changer drastiquement le style, il s’agissait de mon premier roman. Celui écrit avant que je comprenne la différence entre le tell et le show (dont je parle ici). Et j’ai également ajouté un arc narratif et retravaillé l’univers et les personnages. Autant dire qu’il y avait vraiment beaucoup de boulot.
Comment pratiquer une réécriture efficace ?
La réécriture est une pratique qui fait peur, je trouve. Même quand on a déjà testé. En se privant du support rassurant du premier jet, on se lance en réalité dans une nouvelle écriture. Alors comment être sûr de ne pas refaire les mêmes erreurs qui ont rendu le premier manuscrit inexploitable ?
Pour moi, l’étape indispensable à la réécriture est le diagnostic. Avant de réécrire un texte raté, il faut comprendre pourquoi il est raté. Est-ce un problème d’intrigue ? De rythme ? De contexte ? De personnages ? Par exemple, dans Jours Rouges (le texte contre lequel je me bats en ce moment) j’avais deux gros soucis : une absence de contexte (descriptions, repères spatio-temporels, environnement…) et une absence de motivation pour mes deux antagonistes, donc les actions n’étaient du coup pas du tout justifiées.
Après le diagnostic vient la planification. Si je suis une pure jardinière lors de l’écriture du premier jet, sur les réécritures, j’ai besoin d’un plan pour me rassurer. Je prends donc la liste des scènes de ma version précédente, et je l’annote. Pour chaque scène, je décide si je dois la supprimer, la modifier, la conserver ou la déplacer (et bien sûr, si je dois ajouter des scènes, et où). Pour Jours Rouges, j’ai donc une réécriture partielle. J’ai récupéré environ la moitié des scènes d’origine. Le reste est réécrit à partir d’une page blanche.
Mais pourquoi revenir à une page blanche ? Eh bien, parce que parfois, le matériau de base est si défectueux qu’on ne peut pas le réparer sans que les raccords soient visibles. Et si je garde mon fichier d’origine, j’ai tendance à essayer de coller au texte déjà écrit. Une mauvaise idée quand il y a besoin d’un gros ménage sur une scène… ou un roman. C’est pourquoi, quand une scène est vraiment problématique, je la réécris comme si c’était la première fois, avec un oeil et une plume neuve. Cette réécriture permet aussi de garder une certaine motivation pour ceux qui, comme moi, n’aiment pas les corrections. Après tout, quand je réécris, j’écris du neuf avec toutes les surprises qu’il peut me réserver !
Et bien sûr, une réécriture implique une cession de corrections derrière. Mais en général, les étapes du diagnostic et de la planification (et aussi votre propre progression au cours du temps) font que la réécriture sera presque toujours meilleure que le premier jet d’origine.
Alors, si j’ai un conseil à donner sur le sujet, c’est de ne pas hésiter à se lancer. Même quand on patine sur un texte pas encore terminé. Sur quatre réécritures, j’en ai décidé deux avant d’avoir achevé le premier jet.
Souvent, on conseille aux débutants de ne pas revenir en arrière, de terminer leur premier jet quoiqu’il arrive et d’attendre la fin avant de le corriger. Et c’est un bon conseil, parce que beaucoup de jeunes auteurs ont tendance à être si perfectionnistes qu’ils peinent à avancer. Mais parfois, il faut se rendre à l’évidence… le premier jet n’est juste pas achevable en l’état. Peut-être alors faut-il se poser la question d’une réécriture.
Moi, je fais partie de ces gens étranges qui aiment les réécritures. Quand je me lance dans un premier jet, je sais qu’il sera pourri, parce que je ne sais pas encore de quoi il va parler, parce que je ne connais pas les personnages ni les cachotteries qu’ils me font, je ne sais pas du tout ce qui va se passer au cours de l’histoire non plus. J’ai (au mieux) une vague idée, et je brode autour.
Donc, je sais que mon second jet sera une réécriture. Et j’aime beaucoup cette étape, parce que j’y suis bien plus sereine. Je connais mes persos, mon point de départ, mon point d’arrivée, et les gros jalons entre les deux. Résultat, j’ai juste à recommencer à m’amuser avec mes persos (et c’est ça que j’aime dans l’écriture, justement).
(Bon, par contre, ça ne marche que pour les réécritures totales. Les réécritures partielles sur une partie du roman parce que je bloque dessus, bah… ça marche pas. Mais en même temps, c’est normal, parce qu’en fait, c’est encore du premier jet…)
Bref, en résumé : les réécritures, c’est le bien, alors n’ayez pas peur !
Non mais je me fous trop la pression, c’est pas nouveau ! XD
Et puis, il y bien des gens bizarres qui aiment les corrections (il parait), alors why not… 😛