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Griffes et crocs, Technique et outils

Corrections, mon amour (2)

Les détestées corrections

Vous ai-je déjà dit, que je n’aimais pas les corrections ? (Oui, dans cet article de 2019. Et dans plein d’autres…)

Mon moment favori, c’est le premier jet. Cet instant où je pars, la fleur au fusil, avec des personnages que je connais à peine et où j’écris au jour le jour sans trop savoir ce que l’avenir me réserve.

Les corrections, pour moi, c’est le début des emmerdes. La partie découverte est achevée. Il ne reste que la montagne de problèmes que j’ai laissés s’accumuler pendant l’écriture. Les corrections, c’est du puzzle, de l’affinage, des remises en question et des casse-tête sans fin pour faire rentrer les morceaux nécessaires à l’histoire au milieu des réactions viscérales de mes abrutis de persos. C’est me demander si mes compétences techniques sont au niveau, si mon style apporte un truc, s’il est cohérent, clair, pas trop lisse. C’est travailler mes faiblesses (les persos tertiaires, l’univers, l’intrigue). Bref… c’est la partie compliquée du boulot.

Les essais-erreurs

Mais à force, j’ai quand même fini par comprendre un peu comment faire. Enfin… disons qu’il y a eu deux éléments fondateurs dans la construction de ma « méthode » de correction :

  1. La correction de Habemus papam, version 2 et 3, qui s’est beaucoup mieux déroulée que je ne le pensais. J’avais galéré à écrire le premier jet. J’ai galéré à lancer la réécriture. Et puis… tout s’est débloqué en milieu de réécriture. La fin de la V2, puis la V3, ont coulé presque toutes seules.
  2. Le blocage que je viens d’avoir avec la correction de notre projet à 4 mains avec Karine Rennberg : Outsiders. Ce blocage m’a forcée à analyser ce que je faisais, ce qui coinçait, ce que j’avais fait la fois d’avant et à… résumer tout ça en un grand : « OK, voilà comment moi, je corrige ».

Pour Habemus papam, j’en parle plus en détail dans cet article. Passons donc directement au souci Outsiders. Ça m’a particulièrement heurté parce que… ce projet est spécial. On y est depuis des années, on l’a réécrit une dizaine de fois et je n’avais jamais perdu la flamme… jusqu’au mois dernier. J’ai tout perdu : flamme, envie, motivation. Et si la surcharge de boulot à côté n’y est pas pour rien, j’ai fini par comprendre que le problème venait surtout de la manière dont nous corrigions ce projet.

Parce que cette fois… pour la première fois depuis des années, on tient un truc avec Outsiders ! On a un premier jet, une intrigue qui se tient, un univers pas trop mal travaillé et même une fin ! Du coup, cette fois, Karine a décidé de faire une correction bien travaillée pour pouvoir enfin envoyer le texte en bêta-lecture. Et… nous sommes revenues en arrière, une fois, deux fois, trois fois. Et oui, on avançait, parce que chaque retour en arrière était pour retoucher un détail de plus en plus fin. Sauf que moi, chaque retour en arrière me coupait mon élan. J’atteignais à peine le moment où je me sentais à nouveau dedans que : « non, on recule de trois chapitres pour corriger ça ». J’ai fini par craquer. À la fin, je ne pouvais plus voir ce texte en peinture.

Je renâclais, Karine était frustrée de mes refus répétés de m’y mettre. On s’est arrêté, on a causé, on a décidé d’une pause d’un mois. Et surtout… on a compris qu’on avait un souci et que nos deux méthodes de corrections n’étaient pas compatibles :

  • Karine voulait boucler ce truc, en une fois. Terminé les « on verra en Vx », elle voulait en finir.
  • Moi, je n’arrivais pas à rentrer dedans avec les incessants aller-retour entre les chapitres. Je déprimais de cette absence d’avancées, de ces remises en question incessantes qui m’empêchaient de plonger dans le texte.

Alors, cette méthode ?

Et c’est analysant tout ça que j’ai compris ma méthode.

Ce qui me bloque, c’est toujours la même chose : la recherche de perfection, la pression de la version finale, les piétinements, le jonglage entre les chapitres.

Je crois que pour corriger sereinement et efficacement, j’ai besoin de deux choses :

  1. Me dire qu’il y aura toujours une version ultérieure (du moins, jusqu’au BAT (Bon à tirer)). Que ce texte n’a pas besoin d’être parfait tout de suite. J’ai le temps, j’aurais une nouvelle chance plus tard.
  2. De me replonger dedans et de le laisser couler, de me réattacher à mes persos et leurs actions, leurs envies, leurs combats.

Bref, j’ai besoin de lâcher prise. J’ai besoin de cette rengaine de Karine que j’avais fini par faire mienne « Tu verras en Vx ». Et tant pis si ça prend du temps, si ça prend 5 versions, si ça ne me paraît pas efficace. Parce qu’en réalité… j’ai réalisé que j’étais beaucoup plus productive en acceptant qu’il y aurait une prochaine version (qui me prendra un mois), plutôt qu’en traînant les pieds 6 mois parce que je suis prise dans un marasme que je n’arrive pas à remettre en ordre et qui doit être parfait parce que c’est ma dernière chance !

Alors, ma méthode ? Lorsque j’entame la correction d’un texte, je sais généralement ce que je dois retravailler. J’ai relu le texte, j’ai demandé des BL si je ne trouvais pas seule ; je sais ce qui est trop faible (tel perso, l’ambiance, l’univers, l’intrigue, etc…). J’ai brainstormé mes soucis (seule ou en groupe), pris des notes ; je sais comment m’y prendre pour corriger les problèmes. Et quand mes corrections entraîneront inévitablement de nouveaux soucis (c’est toujours le cas), je saurais quoi faire : prendre des notes sur les passages qui bloquent, les ignorer, continuer sur ma lancée. Parce que si je retourne en arrière : je coupe ma dynamique, j’ai l’impression que chaque élément que je corrige déconstruit ce que je corrigeais avant, je me perds dans la chronologie du texte et ma motivation se casse la gueule.

Et au final… ça fonctionne. Parce que j’arrive à ordonner les éléments à corriger dans chaque version pour qu’ils soient de plus en plus fins, et ne réimpactent pas la correction plus importante effectuée avant. Chaque correction étant plus légère, elle va plus vite que la précédente. Et à la fin… quand je n’ai plus corrigé que des détails, je sais que c’est bon et que je peux envoyer à l’étape suivante (BL ou soumission). Et au final… il y aura toujours une autre correction ensuite, un autre regard. C’est l’avantage de ne pas bosser seule.

Pourquoi corriger ?

Mais pourquoi m’infliger ça ? La question s’est posée en échangeant avec une de mes co-autrices. Si je hais les corrections à ce point, que mes livres se vendent à 500 exemplaires et que ça ne me rapporte de toute façon pas un rond… pourquoi je m’acharne ?

Eh bien, je corrige parce que je veux partager. J’écris parce que j’aime ça, bien sûr, mais aussi parce que je veux que mes textes soient lus et que ce n’est pas possible sans correction. Je n’écris pas que pour moi. J’écris pour être publiée et lue, d’une manière ou d’une autre.

Je corrige aussi parce que c’est l’étape qui me permet de progresser. Je pourrais écrire des centaines de premiers jets, si je ne les remets jamais en question, comment le suivant pourrait-il être meilleur ? Corriger me permet de pointer mes défauts, de trouver des solutions, de les mettre en œuvre et de voir ce qui fonctionne ou pas. Et, parfois, d’intégrer suffisamment ces éléments pour que mon premier jet suivant soit bon du premier coup (ou moins pire) sur cet élément-là !

Et si corriger m’apporte moins de plaisir immédiat, j’en tire quand même une forme d’accomplissement, de satisfaction et de fierté à l’idée de ce que j’ai réussi à faire : ce premier jet foutraque est désormais lisible, fun, cohérent et apporte (je pense) quelque chose d’autre qu’un délire interne qui ne parlerait qu’à moi.

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