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Syndrôme de la page blanche, un problème d’intrigue ?

Le syndrome de la page blanche est un phénomène bien connu, avec cette image de l’écrivain fixé pendant des jours devant l’écran blanc de son ordinateur sans parvenir à écrire un seul mot.

Ce problème fréquent que rencontrent les écrivains, mais aussi les créateurs en général, a déjà été traité à de nombreuses reprises. Je ne vais donc pas prendre le temps d’en développer toutes les causes possibles, d’autant que je n’y suis que rarement confrontée. Si vous souhaitez plus d’informations sur le sujet, je vous conseille ces deux articles sur ce syndrome et autres blocages. Et quelques citations d’écrivains célèbres sur le sujet.

Alors, aujourd’hui, je vais vous partager ma version du syndrome de la page blanche : celle de l’écrivaine dispersée. Plus insidieux, car l’écrivain dispersé ne va jamais complètement bloquer sur l’écriture en elle-même. Il va bloquer sur un projet, tout en continuant à en mener deux ou trois autres en parallèle.

L’overabondance de projets

S’il est vraiment génial d’avoir une Muse complètement maboule qui vous inonde d’idées, de scènes, de défis en permanence… il peut arriver de se laisser déborder. Et s’il est déjà difficile d’écrire un roman jusqu’au bout, imaginez-vous en train d’en écrire deux ou trois en même temps ?

Le problème m’est arrivé, alors que je menais deux premiers jets de romans personnels, un premier jet de roman à 4 mains, une correction de roman et des pics d’activité monomaniaque sur une série de novellas à 4 mains. Oui… tout ça. Eh bien… ça ne fonctionne pas. Je me retrouvais à switcher de projet en permanence, à devoir péniblement relancer la machine sur un texte qui était retombé en sommeil depuis 10 jours, et à peine dedans… je changeais à nouveau.

Inutile de dire que la solution s’est révélée simple à mettre en oeuvre, même si difficile à prendre : j’ai abandonné l’un de mes projets en cours. J’en parle dans mon article sur les limites de la dispersion.

Quoi s’il en soit, j’ai aujourd’hui terminé mes corrections, mon projet à 4 mains, et les novellas sont en pause pour le moment. Il ne me reste qu’un seul projet à mener : Jours Rouges. Et même si ce projet me pose des difficultés incroyables depuis le début, il n’a jamais aussi bien avancé. Alors… oui, parfois, il faut juste se laisser la disponibilité d’écrire un projet, en priorité. Quitte à mettre le reste de côté.

Le syndrome du nouveau roman

Un passage qui me donne absolument toujours du fil à retordre, ce sont les débuts de romans. Parce que je suis une jardinière, et que je me lance donc à l’aveugle ou presque, en ayant vaguement les personnages principaux, le monde et… une idée très très générale de l’intrigue. Alors commencer un texte, découvrir de nouveaux paysages, de nouveaux personnages, poser une première scène, puis une seconde, ce sont des passages compliqués.

Et aux architectes qui me diront que je n’ai qu’à mieux préparer le terrain avant de me lancer, ça ne marchera pas. Parce que ce qui me freine le plus sur les débuts, ce sont les voix. La voix de chaque personnage, son caractère, ses champs lexicaux, sa manière de parler, que ce soit en dialogue ou en narration (puisque j’écris toujours en focalisation interne). Et que chaque narrateur doit, ou devrait, avoir sa voix propre, reconnaissable, personnelle. Or, je ne découvre mes personnages qu’en les écrivant.

Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis incapable de fonctionner avec un plan. Au début d’un projet, quand je connais encore si mal mes personnages, j’ignore tout de la manière dont ils pourraient réagir 100 pages plus tard. Parce qu’il me faut du temps pour les apprivoiser. Et pendant ce laps de temps, ma plume se cherche, hésite, revient en arrière, recommence… ce qui rend les débuts de textes particulièrement difficiles pour moi, et fait qu’il est facile de choisir de procrastiner un nouveau texte en plongeant à la place dans la suite d’un ancien ou des corrections (même si je hais les corrections).

Un problème d’intrigue qui se cache

On arrive là à mon véritable syndrome de la page blanche personnelle : le blocage en cours de texte. Si j’ai tendance à écrire assez facilement, à réussir à me lancer après quelques ratés même lorsqu’une scène ne m’inspire pas particulièrement, si j’ai des rituels pour m’obliger à poser les premiers mots… il arrive que je me retrouve véritablement bloquée au beau milieu d’un texte. Le pire, c’est que je sais en général ce que je dois écrire, car je prévois toujours une à deux scènes à l’avance. Je sais donc, dans les grandes lignes, ce qu’il doit se passer. Mais… impossible. L’écran reste blanc. Je finis par abandonner, faire autre chose, y revenir plus tard. Et je retombe sur le même soucis. Et si je prenais au début ce phénomène pour une crise de flemme passagère, j’ai fini par en comprendre le mécanisme.

Lorsque je bloque ainsi en plein milieu d’un texte, c’est en général qu’il y a un soucis d’intrigue, une incohérence, ou simplement que je cherche à aborder ce passage par le mauvais côté ou avec la mauvaise voix. Dans tous les cas… ce que je m’apprête à écrire ne va pas, n’est pas bon, pas adapté, et mon subconscient s’en est rendu compte. Le problème, c’est que ce crétin a en général une longueur d’avance sur moi. Et si je sais désormais reconnaître le phénomène, ça ne me dit toujours pas ce qui coince.

Dans ces cas, une seule option : forcer. Écrire malgré le blocage, malgré la sensation de malaise que j’éprouve sur la scène. Tout simplement parce que c’est pour moi la seule manière de révéler la faille au grand jour. Et quand elle me pète à la figure, je comprends soudain pourquoi je n’arrivais pas à aller plus loin. Il ne reste alors plus qu’à affronter le problème et à le résoudre, que ce soit en changeant de point de vue, en ajoutant un élément d’intrigue, parfois en corrigeant ou réécrivant plusieurs scènes en amont pour dissiper une incohérence ou sortir d’une impasse. Mais le travail peut alors reprendre, et la page ne reste plus désespérément blanche.

Un roman casse-gueule

Et parfois, je m’attaque juste à trop compliqué, ou trop différent de ce que je sais faire. Et c’est précisément ce qui est en train de m’arriver avec Jours Rouges. Au delà des soucis d’univers, dans une dystopie que je voudrais à peu près cohérente et un Paris futuriste (avec tous les problèmes de descriptions mais aussi de changements technologiques, sociologiques, etc… qui vont avec, comme j’en parle ici), il y a le soucis du sujet du roman… et des personnages.

J’ai écrit Nuits Blanches comme un défi, comme une épreuve pour me prouver que je pouvais manier des personnages féminins. J’ai lancé Jours Rouges parce que mes éditrices me l’ont proposées, que l’univers était prometteur et que j’ai trouvé une idée d’intrigue vraiment fun à explorer. Mais c’est bien là le problème : Jours Rouges est un roman basé sur une intrigue, et les personnages ont été choisis ou créés pour la servir. Et ça, je ne sais pas faire.

Je suis une autrice de personnages avant tout, et de personnages masculins. Or, Jours Rouges, ce sont deux narratrices et un narrateur choisi pour densifier l’intrigue. Mais ce ne sont pas les persos de cet univers qui me font vibrer. Et si j’avais déjà rencontré le soucis sur Nuits Blanches, les passages par la narration de Marc m’avaient sauvée. Mais ici, le personnage de Centauri n’est pas… assez « fort » pour suffire à porter tout l’intérêt pour moi de ce roman.

Et ce soucis, j’ai mis presque 4 mois à le réaliser, ou du moins à le comprendre. Je savais que je n’avançais pas sur l’écriture, je savais même que les personnages et l’intrigue me posaient problème, mais je n’avais pas mis le doigt précisément sur cette dualité personnages/intrigue. Alors comment résoudre le soucis quand un roman qu’on s’efforce d’écrire nous ennuie ? Non pas parce qu’il est fondamentalement mauvais (j’espère que non) mais juste parce qu’il met en lumière de personnages qui ne nous parlent pas autant que les autres (oui, les auteur-trice-s ont aussi leurs chouchous) ?

Eh bien j’ai décidé de m’appuyer sur les personnages forts, justement. Ceux qui ne sont ni les héros, ni les narrateurs de ce texte, mais qui comptent pour moi. Et c’est pourquoi je n’ai sans doute jamais écrit un roman avec des personnages secondaires aussi creusés et présents. Parce que quand c’est Fest qui raconte, c’est avec Alpha, Bêta, Nathan, Marc et Svetlana que je joue. Je connais bien moins l’entourage d’Aylin, mais je vais essayer d’affirmer un peu la présence de son ami Sydney. Quoi qu’il en soit, j’ai enfin réussi à reprendre l’écriture de ce texte à un rythme correct (avouons que terminer à la fois mes corrections et mon roman à 4 mains à bien aidé aussi), et je devrais réussir à achever ce texte en le vivant à travers ses personnages secondaires. Même si j’espère que Fest, Aylin et Centauri, sauront malgré tout convaincre les lecteurs.

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2 réflexions au sujet de “Syndrôme de la page blanche, un problème d’intrigue ?”

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