Je n’ai jamais été très fan du format nouvelle.
J’en écris, bien sûr. C’est un bon exercice, un bon terrain d’expérimentation pour tester de nouvelles choses et un moyen sympa de creuser certains personnages secondaires de mes textes plus longs. Et puis, j’aime les Appels à Texte des anthologies et le défi sans cesse renouvelé qu’ils représentent.
Mais la nouvelle n’est pas mon format. Trop courte, trop frustrante, trop pointue. Elle ne correspond pas à cette forme de lenteur que j’apprécie dans l’écriture comme dans la lecture, à l’apprivoisement mutuel des personnages, à leur évolution continue au fil des pages. Les nouvelles qui me plaisent ne font souvent que créer une frustration chez moi, le manque d’une suite qui ne viendra pas.
Alors, je ne sais pas pourquoi j’ai acheté le recueil de Sylvie Lainé, mais ce qui est sûr, c’est que je n’ai aucun regret. Dans ce lourd volume constitué de textes indépendants, j’ai eu l’impression de redécouvrir la nouvelle et de comprendre enfin son charme percutant et sa force délicate.
Ma première surprise est de ne pas avoir aimé L’opéra de Shaya, la nouvelle la plus longue de ce recueil. Justement pas assez percutante à mon goût. Car les textes qui m’ont véritablement bluffée, ce sont les plus courts :
Le prix du billet, qui en 13 pages nous invite à la rencontre de deux femmes et nous interroge avec audace sur nos choix.
Sirius m’était compté, 5 pages qui affleurent à la philosophie.
Un rêve d’herbe, 5 pages entre malaise, horreur et paix pour parler de rencontre.
Un amour de sable qui explore en 14 pages le concept de la vie comme seuls de rares auteurs de SF en sont capables.
Subversion 2.0, peut-être ma favorite. 12 pages pour nous interroger sur le sens de la vie dans nos sociétés occidentales et ouvrir notre champ des possibles.
Thérapie douce, 8 pages plus choquantes dans ce qu’elles cachent que dans ce qu’elles dévoilent
La bulle d’Euze, 11 pages d’une rencontre pleine de charme et de mystère, servie par une étrange mise en abyme.
Jamais encore, un auteur n’avait su m’inviter en quelques pages à la rencontre d’un univers et de personnages, à les vivre puis à les quitter sans regret, avec la sensation que la suite n’avait pas besoin d’être partagée. L’essentiel a été dit.
La réussite de ces nouvelles, c’est peut-être leur capacité à aborder des thématiques à la fois complexes, diffuses, universelles, sans se laisser prendre au piège de l’exhaustivité. L’important ici n’est pas de débattre d’une thématique mais d’en explorer une minuscule facette, unique et précieuse, comme un témoignage. Et parfois, d’en trouver une autre bride ailleurs, plus tard.