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Errances, Identités

Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles

Disclaimer : N’étant pas personnellement concernée, je ne parlerai pas ici des cas où le prénom pose de véritables soucis (dysphorie de genre, discrimination, traumatisme, etc…). Cet article est juste une petite réflexion personnelle sur l’identité et ce qui s’y rattache.

À l’origine de la réflexion, une séance de sophrologie au cours de laquelle notre prénom devait servir de support pour travailler sur nous. C’est ce jour-là que j’ai réalisé que… quelque chose ne fonctionnait pas. Alors que les autres membres du groupe ne semblaient avoir aucun mal à « tracer mentalement » leur prénom, je ne parvenais pas à visualiser le mien. Ou plutôt, je ne parvenais pas à associer ces lettres à ce que j’étais.

[…]

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

[…]

Ophélie, d’Arthur Rimbaud

Et pourtant… j’aime mon prénom. Je le trouve beau, harmonieux, j’aime le savoir tiré d’un poème de Rimbaud et associé à un tableau à la fois sombre et coloré. Mon prénom parle de la mort, de la beauté, de l’amour envers la nature, de la différence et d’une appréhension autre du monde, souvent incomprise. Jusque là, tout m’allait.

Tableau représentant Ophélie telle que décrite par Rimbaud dans son poème.
John Everett Millais

Puis j’ai lu Hamlet. Dedans, je cherchais l’Ophélie originelle et je me suis sentie horriblement trahie. C’était ça, l’origine de mon prénom ? Un personnage dont le seul et unique rôle était de tomber amoureuse d’un type hautain et de se suicider de désespoir juste parce qu’il ne la regardait pas assez ? Je crois que je n’ai jamais pardonné à Shakespeare de m’avoir fait ressentir un tel rejet pour Ophélie.

[…]

C’est qu’un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d’étranges bruits ;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs des nuits ;

[…]

Ophélie, d’Arthur Rimbaud

Et puis, j’ai oublié. Mon prénom n’a plus été qu’un outil bien pratique servant à me désigner, mais il ne me représentait pas. Il ne disait pas au monde qui j’étais. Comment l’aurait-il pu ? Mes parents l’ont choisi avant ma naissance, avant de me connaître.

J’ai toujours une profonde tendresse pour ce mot et l’image qu’il me renvoie. Je perçois l’amour de mes parents à travers ces syllabes. Ophélie représente une part de moi. Mon enfance, peut-être. Mais alors que je me suis construite dans mon individualité, j’ai fini par devenir autre chose, et par ressentir une autre identité.

Aujourd’hui, je suis Louve.

Demain, peut-être serais-je quelqu’un d’autre ?

[…]

– Et le Poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.

[…]

Ophélie, d’Arthur Rimbaud

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