Disclaimer : voici une innovation. Un article de blog sur la photographie… sans aucune photo dedans. Parce que je pense qu’ici, publier des exemples de que j’évoque ne ferait que desservir et trahir mon propos. Alors, sorry et enjoy quand même.
Voilà un petit moment que cet article me titille. Exactement un an, en réalité. Puisque c’est pour mes vacances d’été de l’année dernière que j’ai acheté et lu un nouveau livre de théorie photographique. J’ai nommé : « Capturer l’instant, l’art de la photographie », de Michael Freeman. C’est le troisième livre de cet auteur/photographe que je lis, mais cette fois, il m’a fait cogiter au-delà des questions de technique.
Car ce que l’on trouve le plus dans ce livre, mais aussi dans tous les autres livres de ce genre : ce sont des photos de rue. Alors, ces scènes de vie, est-ce que c’est la quintessence de cet art qu’est la photographie ? Est-ce que l’on doit forcément passer par là pour être un photographe ?
Scène de vie et photojournalisme
La photo de rue semble, depuis des décennies, être la quintessence de l’art photographique. Dans ces ouvrages, on nous explique que c’est cette spontanéité, cette capture de l’instant, qui a distingué la photo de la peinture et en a fait un art à part entière.
Immortaliser des scènes de rue, le plus souvent dans des pays étrangers, a offert ses lettres de noblesse à la photographie. À travers le travail de nombreux photoreporters (dont les photographes qui se déplacent sur les zones de conflit), ce sont ces photos qui sont devenues célèbres. Celles qui sont aujourd’hui montrées, prises en exemple, qui ont gagné des prix pullizer et rendu leurs auteurs célèbres. Car la photo de rue n’est pas seulement une oeuvre artistique dévoilant la personnalité de l’artiste, elle est aussi informative, politique, engagée.
Quid du consentement ?
Sauf qu’il y a un problème : le consentement.
Souvent, lorsque le photographe nous raconte le contexte du cliché, on réalise que les personnes n’ont pas donné leur accord, voire n’ont pas conscience d’avoir été photographiés. Après tout, s’ils en ont conscience, leur attitude va changer, l’instant se sera envolé, et le naturel qui fait toute la saveur du cliché va disparaître.
Est-ce grave ? Ces gens ne verront probablement jamais le résultat du cliché, d’autant plus que la plupart viennent de l’étranger. Pourtant, ces clichés sont pris pour être exploités, vendus, présentés à des prix… des photos de personnes prises à leur insu, parfois sous le choc, parfois alors qu’ils craignent pour leur vie ou qu’ils viennent de perdre un proche.
Ce n’est bien sûr pas toujours le cas. Les occurrences sont nombreuses où le photographe s’est mêlé à un groupe ou a suivi des personnes dans leur journée de travail avec leur accord. Cette forme de portrait est possible, celle qui respecte le consentement et la vie privée des gens dont on immortalise l’image.
Le portrait consenti, c’est possible
Peut-on prendre des photos d’inconnus dans la rue, spontanément, en respectant leur consentement ? Ces photos peuvent-elles être belles ? Même pour une séance de pose improvisée au milieu de nulle part, avec un modèle qui n’a pas l’habitude d’être photographié, et sur qui la conscience et la gêne d’être ainsi pris en photo par un inconnu sera sans doute visible ?
Des personnes le font et le partagent sur les réseaux. Et cela donne des comptes que je trouve passionnants parce qu’ils montrent la beauté des gens. Et souvent, les photographes parlent avec eux et postent sous la photo un petit morceau de l’histoire à la fois banale et extraordinaire de ces gens.
Le premier que j’ai rencontré du style est @humanofny, un compte instagram qui poste les portraits et histoires d’inconnus croisés dans les rues de New York. Il y a aussi celui-ci : Bryan Blaffart, que j’ai découvert plus récemment.
Alors, oui. Il est possible de prendre des portraits en recueillant le consentement avant, et d’en faire des photos magnifiques, et une célébration de la beauté humaine. Mais… aborder des inconnus dans la rue ? Leur parler ? Pas pour moi, n’est-ce pas ?
Alors, que me reste-t-il ?
Peut-on être photographe sans faire de portrait ?
Alors, faut-il oublier la photographie engagée ?
Je pense qu’il y a d’autres manières de faire de la photo engagée qu’en prenant des gens. Même si… bien sûr, je manque un grand pan de ce que peut apporter la photographie de reflet du monde, de sa diversité, de sa beauté et de ce qui me parle et m’appelle profondément depuis quelques années, à savoir le cosmopolitisme.
Alors, revenons à mes fondamentaux. Comme je suis, malgré les années qu’il m’a fallu pour l’assumer, autrice d’histoires d’amour. Je suis aussi photographe de fleurs. C’est bête, une photo de fleur. C’est « facile ». C’est sans intérêt autre que d’être, quand c’est réussi, joli à regarder.
Alors la question à un million. Est-ce que faire du beau, et juste du beau, ça peut aussi être une forme d’engagement ?