Je me suis souvent interrogée sur ma « cisidentité ».
J’ai été assignée fille à la naissance. Mon corps d’aujourd’hui est celui d’une femme pubère, mon prénom est féminin, mon pseudo (que j’ai choisi moi-même) aussi, j’ai appris très jeune à m’accorder au féminin et je cille devant l’étrangeté lorsque l’on me genre autrement.
Mais est-ce que cela fait de moi une femme ? Est-ce que le fait de me questionner sur le sujet encore et encore, et de ne jamais trouver de réponse claire est la preuve que je suis une femme (si je ne l’étais pas, mon ressenti serait évident, non ?) ou est-ce que ce questionnement prouve justement que je n’en suis pas une (sinon, je ne poserais pas la question, si ?). D’ailleurs, je définissais mon genre comme « garçon manqué » lorsque j’étais ado, c’est dire si le questionnement est ancien (et déjà tourné vers la non-binarité), même si je n’avais pas alors les billes ou la culture pour le poser correctement.
Il y a une chose dont je suis sûre : je ne suis pas un homme.
Ce qu’il me reste : la catégorie vaste et floue de la non-binarité.
Parmi celles-ci, je me reconnais principalement dans la définition de demi-girl : une personne qui se définit partiellement comme une femme, et partiellement comme « autre chose ». Mais quelle chose ? Homme ? Agenre ? Neurogenre (personne dont le genre est influencé par sa neurodivergence) ? Je ne sais pas. Je sais que je ne me « reconnais » pas dans le concept de femme, tout en aimant profondément certains aspects de ma féminité (j’aime ma silhouette, et le fait de porter des vêtements fluides généralement associés aux femmes).
Et puis, j’ai rencontré un nouveau psychologue « LGBT-safe ». Nous nous sommes directement présentés en donnant nos pronoms, et j’ai bloqué. Parce que les pronoms féminins me conviennent, mais… mais. Alors je lui dis « accords féminins, par habitude plus que par conviction ». Et il m’a répondu que c’était pareil pour lui. Alors… nous avons parlé de genre, de non-binarité, du sentiment d’imposture à se définir trans lorsque l’on ne souffre pas de dysphorie ou que l’on n’effectue pas de vraie transition, qu’elle soit physique ou sociale.
Savez-vous ce qu’il m’a répondu ?
« La non-binarité ne se définit pas par la souffrance. C’est simplement un refus des normes binaires du genre. »
Quoi ? Ce serait vraiment aussi simple ? Je pourrais vraiment me définir non binaire simplement parce que la catégorie « femme » telle qu’elle est perçue et présentée par la société dans laquelle je vis ne me convient pas ?
Bien sûr, que le genre est une construction sociale. Bien sûr, que ces questions se poseraient différemment dans une société qui ne concevrait pas les genres ou leurs rôles de la même manière. Bien sûr, que c’est le principe même de l’autodétermination. Je suis ce que je décide, dans le monde tel qu’il est et ma vie telle que je la ressens, conçois et souhaite.
Certains sont gay sans se poser de questions, certaines définissent explicitement leur lesbianisme comme politique. Des personnes choisissent de transitionner, d’autres n’ont pas le choix. Des définitions fleurissent pour offrir un modèle et un sentiment d’appartenance à celles, ceux, celleux et ciels qui ne se reconnaissent pas dans les cases qui étaient autrefois les seuls choix possibles.
Dans cet arbre des possibles : je suis trans, non-binaire, demi-girl. Je me genre majoritairement au féminin, parfois au neutre. Je ne choisirai pas de prénom mixte parce que je suis « Louve » avant d’être qui que ce soit d’autre. Et si ce ressenti ambigu se veut pour moi au moins autant un rejet des normes de genre de la société française actuelle qu’un malaise intrinsèque sur mon identité profonde… ça me va. Après tout, cela n’empêchera pas mon féminisme de chercher à changer cette société.
Un bel article,nuances et finesses, encore sur ces questions qui touchent. Merci Louve.