Comme toujours, cette édition des Utopiales à Nantes a été aussi passionnante et ludique que riche en enseignements ! Le thème de cette année : le temps. Une thématique qui ne m’attirait pas vraiment au premier abord, car je ne suis pas trop SF pure et que je n’ai jamais été passionnée par tout ce qui touche au voyage dans le temps. Pourtant, la thématique s’est révélée d’une grande richesse, loin de se limiter aux paradoxes et boucles temporels !
L’exposition principale de cette année : une revisite d’affiches de films par Laurent Durieux. Et pour une fois, j’ai vraiment apprécié de circuler parmi ces dessins, ces nouvelles visions de films anciens, connus, regardés. Images parfois sombres, parfois décalées, mais toujours à propos. Excusez la qualité des photos, elles ne rendent pas du tout justice à l’exposition.
Mais les Utopiales, ce sont bien sûr avant tout des films et des conférences ! Comme l’année dernière, je n’ai passé qu’assez peu de temps dans les salles de cinéma. Je retiens quand même deux films parmi ceux en compétition :
- A day, film Coréen de Sun-ho Cho : Non, je n’aime pas les boucles temporelles. Alors je m’attendais à ne pas aimer ce film. Raté ! A day revisite la boucle temporelle avec une intrigue cohérente qui rebondit de répétition en répétition jusqu’à nous faire comprendre comment on en est arrivé là. Un nombre d’occurrence de l’évènement que je n’ai pas cherché à compter, et qui pourtant parvient à ne pas se répéter. De mon point de vue, ce film revisite un grand classique avec une efficacité rare. Une belle réussite !
- Salyut 7, film Russe de Dmitry Kiselev et Klim Shipenko : Tiré de l’histoire vraie du sauvetage d’une station spatiale russe sur fond de fin de guerre froide, un film qui réussi à tenir en haleine alors qu’on connait la fin. (Et la morale de l’histoire : si ça marche pas : taper dessus avec un marteau.)
J’ai aussi regardé deux documentaires : Einstein et la relativité générale, une histoire singulière de Quentin Lazzarotto et Une brève histoire du temps de Errol Morris sur Stephen Hawking. Je crois avoir à peu près compris… jusqu’au moment où Hawking nous explique pourquoi l’univers n’a jamais commencé…
Et bien sûr, il y a les conférences! Trop nombreuses pour que je puisse toutes les détailler ici, je vais me concentrer sur celles qui m’ont le plus marquée.
- Jeunesse et vieillissement dans la création avec A. Gélinas, E. Newman, V Mangin, N. Ouali, O. Bérenval et D. Bajram. On y discute de la jeunesse éternelle du héros, opposé au vieux sage ou à l’anti-héro aigri. Peut-être parce que le roman d’aventure prend ses sources dans les récits de voyage initiatique et parle de ce fait du passage à l’age adulte. Ou bien parce que le héros fait bien souvent le choix d’Achille : celui d’une vie brève et intense. Et s’il est passionnant de regarder vieillir un héros au cours d’une saga, c’est souvent très difficile à mettre en oeuvre pour l’auteur. Car pour nous, chaque personnage a un âge « idéal ». (Et pour avoir essayé personnellement à de nombreuses reprises, car j’adore écrire des séquelles ou des préquelles à mes textes, il est vrai que cela donne toujours une impression confuse, une sorte de malaise. Ce sentiment que notre personnage agit en dehors de son caractère, qu’il est lui sans être vraiment lui.) Mon regret sur cette conférence sera peut-être l’absence de conférencier plus âgé, qui nous aurait permis de discuter du vieillissement de l’auteur, et de la manière dont cela modifie sa perception du monde et sa manière d’écrire.
- Courts toujours avec M. Caro, S. Lainé, JC. Dunyach, D Régnier, O. Cotte sur le thème des nouvelles et courts-métrages. Une conférence vraiment intéressante qui a replacé la nouvelle dans ce qu’elle est : un texte court, ciselé, qui a vocation d’être court. Pour autant, il n’empêche pas de vivre l’évolution d’un personnage ou même d’un univers. Car la nouvelle se place au moment des bouleversements. La question des contraintes a été soulevée, mais JC Dunyach a souligné qu’il ne fallait pas en avoir peur, parce que chaque nouvelle s’écrit avec des contraintes. Celles qui nous sont imposées et celles que l’on s’impose à soi-même. Dans tous les cas, « On écrit un texte parce que quelque chose à son sujet nous rend indispensable de l’écrire. » Et si cette partie-là résonne avec force chez moi, leurs échanges suivants me rappellent que je ne suis pas novelliste et que je ne le serais jamais. Parce que j’écris de la longueur, des textes qui s’enfilent et s’enchainent, les nouvelles n’étant pour moi qu’un autre moyen de poursuivre un texte existant. Alors que les novellistes écrivent dans l’exigence, un format qui ne supporte ni les longueurs, ni le terne, ni les détails superflus. Un format qui travaille sur le rythme et la musique des mots. Et c’est ce qui fait que les novellistes se reconnaissent entre eux.
- Le temps du langage en science-fiction, avec Y Cantin, S. Chambon, P. Lajoye, L. Pierrat-Pajot, A. Gélinas, T. Rey. Une conférence qui avait pour double vocation de présenter la langue des signes et de parler des langues dans les ouvrages : langue inventée, ancienne, réinventée, détournée… la langue constructrice tantôt d’unité, tantôt de clivage mais qu’il est important d’utiliser à bon escient. Trop d’auteurs de fantasy balancent pléthore de mots inventés pour donner un côté artificiellement exotique à leur monde en créant un effet « d’exoblabla » plus pénible qu’immersif pour le lecteur. Il est pourtant des circonstances où l’exploitation d’une langue, inventée ou non, est intéressante. C’est le cas quand elle sert à souligner un choc des cultures ou une mise à l’écart d’un personnage qui ne partage pas la même langue que les autres. Ce que j’en retiendrais aussi, c’est la richesse incroyable de la langue des signes et cette manière dont le corps et le visage de la personne qui parle s’expriment en même temps que ses mains. (Une expérience qui m’a redonné envie de travailler avec un personnage auquel je n’ai plus touché depuis plusieurs mois : Eli. Personnage sourd qui possède cette étrange dualité entre le côté extrêmement expressif de la langue dans laquelle il s’exprime et cette façade taciturne et renfermée qu’il oppose au monde qui l’entoure et qui trop souvent ne le comprends pas.)
Voilà pour mon petit compte-rendu des Utopiales ! Si vous souhaitez en savoir plus, ActuSF a filmé plusieurs (toutes?) conférences qui sont normalement disponibles sur leur site !
Quant-à moi, je vais essayer de repartir sur mes corrections et mon NaNoWriMo (bien mal engagé). Pour continuer à suivre mon actualité, n’hésitez pas à aimer ma page facebook ou à me suivre sur Twitter ou j’ai live-twitté cette édition des Utopiales pour la première fois ! Une expérience que je renouvellerais sans doute à mes prochains salons !
Merci pour ce compte-rendu intéressant et qui complète mon expérience, étant donné que je n’ai vu aucun de ces films ni suivi aucune de ces tables rondes.
Une précision cependant : ActuSF n’a pas filmé les conférences et tables rondes, mais seulement des extraits. En revanche, elles sont enregistrées en audio. Laurence Honnorat en a filmé plusieurs intégralement, dont la leçon du président Roland Lehoucq et la conférence d’Étienne Klein. Sa chaîne Youtube est ici : Laurence Honnorat.
Merci beaucoup pour ces précisions ! ♥
Il faut toujours sur les choses avec un marteau, de toute façon, c’est bien connu.
En tout cas, je confirme, l’expo Durieux était sublime. <3