Ma relation avec les plateformes d’échange en direct remonte à l’adolescence et à messenger. Depuis cette époque, j’en ai utilisé plusieurs, que ce soit pour des échanges individuels ou collectifs. Aujourd’hui, je suis sur discord.
La plateforme a changé, mes centres d’intérêt aussi, ainsi que les gens avec qui je parle. Mais la raison profonde pour laquelle j’utilise ces plateformes est toujours la même : ma relation très ambiguë à la solitude.
Ce n’est pas que je n’aime pas rencontrer des gens. C’est juste qu’être en présence des personnes avec lesquelles je parle rajoute des formes d’obligations tacites. La réponse doit être quasiment instantanée, mais pas trop émotionnelle. Il faut participer assez, sans monopoliser la parole. Les discussions croisées demandent de l’attention car elles sont simultanées, et elles multiplient le volume sonore des échanges. Et surtout, il faut gérer le contenu de sa réponse, mais aussi sa forme : le ton, le langage corporel… Ça fait beaucoup, beaucoup de choses en même temps et c’est épuisant.
C’est sans doute pour cela que j’ai toujours préféré les échanges écrits. Il n’y a alors qu’une seule information visible : celle que tu choisis de donner par les mots et les émojis. Et qu’importe si tu es hésitant. Si tu as réécrit 5 fois la phrase. Tes interlocuteurs ne sauront jamais si tu as mis 10 min à répondre parce que tu es allé te faire un thé ou parce que tu avais besoin de te calmer et de te recentrer pour le faire.
Bien sûr, ça ne supprime pas les désaccords, les prises de bec, les incompréhensions et les paroles blessantes. Là, ce n’est plus le mode de communication qui compte, mais le groupe avec lequel on échange.
Je fréquente actuellement 7 groupes de discussion, certains me servent uniquement de source d’information ou d’espace de travail. Trois sont mes lignes de vie. Des espaces avec peu de membres, que je commence à connaître vraiment bien, et avec qui je sais de quoi je peux parler ou pas (pratiquement de tout, en réalité). Des gens avec lesquels je peux débattre de manière passionnée sur des sujets ultra controversés quand je suis en ébullition, ou sur l’épaule de qui je peux venir pleurer pour une raison aussi idiote que « Je dois passer un coup de téléphone et je ne veux pas. »
Discord, c’est la première page que j’ouvre en allumant l’ordi le matin, c’est la dernière que je ferme en l’éteignant le soir. Et le reste du temps, je l’ai sur mon téléphone. C’est surtout l’incroyable assurance d’une présence. Tant que j’ai un accès à ce channel, j’ai la conscience permanente que je ne suis jamais entièrement seule. Quels que soient le jour et l’heure (en dehors peut-être du créneau 2h du mat/7h du mat), j’y trouverais toujours quelqu’un à qui parler dans la minute, tout en ayant la certitude de ne déranger personne. Et lorsque je n’ai pas envie, je coupe. Il y a de toute façon toujours quelqu’un d’autre pour répondre présent si d’autres que moi en ont besoin.
C’est un peu étrange, ce besoin d’un lien et d’une présence permanente alors que la solitude est absolument essentielle à mon équilibre. Mais ce n’est pas la même chose. Un channel d’échange n’est pas envahissant. Pour participer à une discussion, je dois choisir de le consulter. C’est ça, que le présentiel m’interdit. Lorsqu’il y a une personne avec moi, c’est elle qui choisit quand elle interagit avec moi. Et cette forme d’incertitude est un stress invisible mais permanent qui n’existe pas dans les plateformes d’échanges écrites.
En bref, Discord m’offre les avantages de la solitude sans ses inconvénients.
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