Film, Rencontres

[Série IS] Série de fantasy chinoise The Untamed : un IS partagé.

Je crois que je n’en ai jamais parlé ici, ce n’est pourtant pas faute d’avoir soulé à peu près tout le monde et son voisin avec la série « The Untamed ». Selon le support et la langue, l’oeuvre s’appelle : « Mo dao zu shi », « The Untamed », « L’indompté » ou « Le fondateur du démonisme ».

À l’origine, tout vient de mon salon discord. On avait un peu l’habitude de voir deux de nos membres commenter en live les séries chinoises qu’elles regardaient, sans y comprendre grand-chose. Mais là, elles ont fait très fort : ça a duré des semaines, elles ne parlaient que de ça, et elles avaient à peine fini qu’elles ont recommencé en reprenant du début. J’avoue, ça m’a intrigué. Pourtant, leur manière d’en parler n’était pas du tout vendeuse. Drôle, oui. Surtout de l’extérieur. Une avalanche d’initiales pour désigner les personnages, des « grande soeur a fait ci », « grand frère a fait ça », des mentions de lapins et de pintades, des codes comme « la première grande dépression » et « la deuxième grande dépression »… bref, c’était à la fois amusant et un peu spé.

Alors, j’avoue, j’ai commencé à regarder ce drama en me demandant comment une série de fantasy chinoise pouvait porter sur des petits lapins blancs. Spoiler : on voit les lapins environ deux minutes sur presque 50 heures de visionnage.

J’ai très vite accroché et j’ai globalement aimé tous les supports (roman, drama, manga, anime), mais c’est du drama que je vais vous parler ici. Parce qu’une fois n’est pas coutume, c’est vraiment le média que j’ai préféré. Peut-être parce que les romans ont été écrits (et possiblement traduits) par une débutante et présentent à la fois des maladresses narratives et un traitement du consentement sérieusement aux fraises. La série, elle, retravaille le fond psychologique instillé par l’autrice, densifie l’intrigue, et a un traitement bien plus respectueux de la relation. Les acteurs principaux sont vraiment faits pour ces rôles, la photographie est exceptionnelle (à l’exception notable des effets spéciaux qui sont une catastrophe), et je suis tombée amoureuse de la bande originale et de ses musiques à la flûte et au gukin.

La classique guerre des clans de fantasy chinoise

L’intrigue est assez classique de ce que j’ai déjà pu voir de fantasy chinoise : une guerre de clans façon magie de combat, épées volantes et monstres mangeurs d’hommes. Des clans de guerriers mages, appelés des « cultivateurs » – car ils cultivent leur noyau d’or, source de ki -, constituent l’aristocratie de ce monde. Au fil des années et des changements d’alliances, ils se combattent pour augmenter leur pouvoir, leurs terres ou défendre leurs valeurs.

Le clan des méchants du premier arc est très très caricatural. Vous n’aurez aucun mal à les reconnaître : ils s’habillent en rouge et le chef passe son temps à rire tout seul de manière démoniaque dans une pièce sombre. Mais… ce n’est pas lui qui est intéressant. Ce sont les deux personnages principaux : Lan Zhan et Wei Wuxian. Parce qu’on va les suivre durant toute leur adolescence et les débuts de leur âge adulte, puis les retrouver pour un second arc après une séparation de 16 ans. Et c’est là que se trouve toute la subtilité et la nuance de cette histoire. Parce que malgré des valeurs fondamentales identiques, une même volonté de justice et un respect mutuel forgé dans l’adolescence, ils vont se retrouver à évoluer dans des pratiques opposées : c’est un peu l’équivalent chinois de la lutte entre la magie blanche et la magie noire, mais avec des personnages qui ont les mêmes valeurs et les mêmes objectifs.

Image de présentation de la série. Un personnage vêtu d'une ample tenue blanche est de dos et tient une épée. L'autre habillé de rouge et de noir nous fait face et joue de la flute. Le fond représente une forêt perdue dans la brume.

Le tout traité avec un travail phénoménal sur la photographie, les décors et les costumes.

Une histoire d’amour, de respect, de chemin de vie.

Bien sûr, c’est une histoire d’amour et je vous en reparlerai un peu plus bas. Mais cette histoire explore surtout la question des trajectoires divergentes, des décisions que la vie vous fait prendre et du prix que vous êtes prêt à payer pour suivre vos valeurs. Elle parle aussi de la manière dont le groupe vous voit, vous juge et dont il est prompt à créer des boucs émissaires pour conserver ses privilèges, se rassurer et se donner bonne conscience.

Concept art, les deux personnages sont face à face, sur un toit de nuit avec une bataille qui fait rage en bas. La pleine lune souligne la silhouette noire de Wei Wuxian. Des flammes et des ombres mouvantes montent du décors.
Concept art tiré de l’art book officiel de la série.

Et au milieu de tout ce maelström, il y a un lien de respect, de soutien silencieux et d’un amour doux et résilient qui tiendra au-delà d’une guerre passée dans des camps devenus adversaires et de seize ans d’absence. Dans le second arc, on voit comment deux hommes peuvent se retrouver après que leurs mondes se soient écroulés et ce qu’ils vont construire avec ce qu’il leur reste, apprendre à vivre avec, à trouver un nouveau terrain commun après l’opposition, la perte et le deuil.

Des personnages neurodivergents

C’est quelque chose qui ne sera jamais explicité dans aucun des supports (mais c’est assez logique et classique quand il s’agit d’univers de fantasy), mais de nombreuses personnes ont reconnu dans les deux héros des représentations de personnages neurodivergents. Avec le recul, il est possible que ces représentations soient parfois un peu… poussées, dans leur manière de cocher vraiment toutes les cases de leur neurodivergence. Mais honnêtement, ça reste plus subtil que dans 90% des séries que j’ai vu.

Wei Wuxian, encore plus pendant les (insupportables) épisodes de son adolescence nous montre des signes très marqués de TDAH (trouble de l’attention avec hyperactivité). Incapable de se poser, (trop) enthousiaste et accro à l’adrénaline, rebel, envahissant et obsessionnel. Plusieurs passages m’ont mise mal à l’aise, parce que s’il n’y a pas de violence (qu’elle soit verbale ou physique), son obsession pour Lan Zhan va pendant un temps virer à une forme de harcèlement sans que ce soit vraiment adressé. Mais passé ces années difficiles (pour son entourage et les spectateurices), Wei Wuxian va énormément évoluer. Il restera toujours enthousiaste, irréfléchi, distrait et désordonné. Il se battra pour ses idées et ses principes, pour une forme de justice sociale niée par les autres groupes, même si ça doit le mener à affronter sa propre famille et à se retrouver seul alors qu’il aime profondément s’entourer. Au fil des années, des choix et des épreuves, il grandit et évolue vers quelque chose de plus apaisé. Mais il restera toujours Wei Wuxian et refusera obstinément de plier face au monde.

Portrait de Wei Wuxian, vêtu de noir, en trin de regarder vers le haut avec la bouche entrouverte dans uen expression un peu admirative.
Wei Wuxian

Lan Zhan est à l’autisme ce que Wei Wuxian est au TDAH, il en coche pratiquement toutes les cases, et particulièrement à l’adolescence. La série montre très bien sa phobie et son incompétence sociale, son immense besoin de solitude, son manque d’expressivité faciale, sa rigidité et ses routines. Lan Zhan est un bourreau du travail et un musicien qui ne sait pas trop quoi faire d’autre dans sa vie, guère aidé par un clan lui-même très rigide et exigeant. Il dira explicitement qu’il n’aime pas être touché et son frère l’encourage à se lier aux gens sans savoir comment l’y aider concrètement. Pour Wei Wuxian, il parviendra cependant à désobéir et à briser les règles strictes qu’il a suivies toute son enfance. Devenu adulte, la position sociale de Lan Zhan lui permet de cacher son malaise social derrière un masque hautain et de laisser les jeunes du clan parler pour lui. On tolérera ses particularités et son mépris des évènements sociaux si prisés tout en médisant derrière son dos.

Lan Zhan vêtu de blanc, qui fixe le sol avec un visage inexpressif.
Lan Zhan

Et comme les neurodivergents ont tendance à se trouver et s’attirer mutuellement, la relation de Lan Zhan et Wei Wuxian sera frontale, fondamentale et entière. Parce qu’au milieu des autres, Wei Wuxian accepte et respecte Lan Zhan sans retenue. Après des années à se fréquenter, il le comprend et le connaît par coeur, anticipe ses petites difficultés quotidiennes et ses besoins et s’adapte à lui. En retour, Lan Zhan qui est le meilleur combattant de sa génération, se pose en protecteur et en défenseur quand Wei Wuxian devient la cible désignée de tous.

Tous deux assis sur un toit, Lan Zhan très droit et inexpressif, Wei Wuxian en train de rire.
Regarder ensemble dans la même direction

Une histoire d’amour qui échappe à la censure

Si la neurodivergence des personnages n’est pas « canon », la romance l’est. Le roman à l’origine de tous les autres médias est une romance gay explicite et assumée. Nous savons donc, si nous l’avons lu, que Wei Wuxian et Lan Zhan forment ou formeront un couple. Mais si le roman est passé sous le radar de la censure grâce à une publication sur les plateformes gratuites d’internet, le drama a dû faire face à la censure du gouvernement chinois à l’encontre des histoires homosexuelles.

À ce titre, la série pourrait être accusée de queer baiting. Plusieurs choses la sauvent. Tout d’abord le côté « obligatoire » de passer cette romance sous le manteau. Mais aussi et surtout la manière dont la romance est suggérée pendant toute la série. Pour celleux qui ont quelques notions de culture chinoise, des éléments évocateurs de fiançailles et de mariage sont plusieurs fois explicitement présents entre Wei Wuxian et Lan Zhan, notamment le cordon noué autour de leurs poignets, l’offrande de poulets et pour l’anime, des tenues rouges évoquant le mariage.

Et si l’amour de Lan Zhan et Wei Wuxian ne sera jamais explicitement dit ou montré, toutes les autres romances de la série seront traitées exactement de la même manière. Jamais les couples fiancés ou mariés ne se toucheront, ne s’embrasseront ou ne se diront qu’ils s’aiment. Dans cette série, toute l’intensité des relations passe par les petites attentions et les regards. Et ils sont nombreux.

Lan Zhan tient le poignet de Wei Wuxian et tous deux se regardent dans les yeux, absorbés l'un apr l'autre.
Oui, il croit qu’avec un masque sur les yeux on ne le reconnaît pas. Et le spectateurice est prié d’y croire aussi 😉

Et le partage ?

Et je réalise que j’ai parlé de la série en long, en large et en travers, mais que je n’ai pas parlé de sa dimension partage. J’en ai parlé à TOUT LE MONDE, j’ai forcé mes parents à regarder au moins 4 épisodes, j’ai tanné mon mec pendant 1 an et demi jusqu’à ce qu’il cède et qu’on regarde l’anime, j’ai soulé mes collègues de travail à écouter la bande originale en boucle pendant DES SEMAINES (imaginez de la flute 9h par jour pendant des semaines). À chaque fois qu’on convainquait quelqu’un de notre discord, on était 3 à se refaire les 50 épisodes et c’était un pur bonheur à chaque fois de se re-raconter ce passage incroyable, et ce regard, et cette réplique, et ce passage si drôle, et celui-là si triste, comme si nous ne connaissions pas déjà toutes l’intégralité de la série par coeur (et presque en chinois, parce que la VO, il y n’a que ça de vrai).

Et maintenant que je vous en ai enfin parlé, je crois que je vais la re-regarder ;).

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