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Griffes et crocs, Technique et outils

Les figurants, quelle place dans nos histoires ?

Il y a longtemps que je n’ai pas sorti un article d’écriture, alors j’ai décidé de vous parler des personnages tertiaires ou quaternaires, ceux que j’appellerai ici « les figurants ».

Les personnages principaux, les secondaires et les autres

Première question, comment est-ce que je classe les personnages de mes projets ?

Très basiquement, je vais nommer personnages principaux les personnages dont on partage les points de vue (POV). Étant donné que je n’écris jamais d’omniscient, j’ai toujours des personnages principaux. Ce n’est pas toujours le personnage le plus intéressant. Dans mon roman Prison Putsch, le personnage que j’avais envie de décortiquer était PA (alias Pierre-Alexandre ou Princesse), et j’avais trouvé plus sympa de ne le voir qu’à travers de mon autre personnage : Alessio. Mais de manière générale, les personnages les plus importants de l’histoire ont un point de vue. J’en ai généralement entre 2 et 4 par roman.

Il y a ensuite les personnages secondaires. Ce sont tous ceux qui sont très présents, mais sans avoir de point de vue. Dans le roman Belle du désert que je suis en train d’écrire, il s’agit pour l’instant des nomades (sauf Jara qui a un POV) et de la reine.

Puis… il y a les autres. Là, la classification est beaucoup plus floue entre mes personnages tertiaires qui font des apparitions récurrentes dans l’histoire, et les personnages quaternaires qui sont mes vrais figurants : ceux que l’on voit de temps en temps, qui ont 2 ou 3 lignes de dialogue, et qui vont peut-être faire un petit truc qui aidera l’intrigue à un moment.

L’importance des figurants

Un des soucis de mes premiers textes, c’était un mauvais équilibre des personnages « non principaux ». J’avais mes persos principaux, que je n’ai jamais vraiment eu de mal à caractériser, et j’avais tous les autres qui étaient globalement des tertiaires. Au final, je n’avais aucun personnage assez personnifié pour pouvoir l’appeler secondaire, et je n’avais aucun personnage pour peupler mon décor et le rendre vivant. J’avais, globalement, tout un tas d’archétypes un peu survolés qui me servaient au choix : d’outils, de faire valoir ou d’antagonistes.

Une partie de mon travail des dernières années a été de démêler ces personnages plus lointains. J’ai, notamment, beaucoup beaucoup travaillé mes personnages secondaires (notamment mes antagonistes) pour leur donner du corps et une crédibilité. J’ai même parfois dû « tricher » et donner un POV minoritaire à mes antagonistes pour m’obliger à les comprendre et à les construire, tant je ne savais pas faire. Mais on n’est pas là pour parler des antagonistes ou des secondaires.

Ensuite, j’ai travaillé mes figurants. Le premier point a déjà été d’en avoir. Souvent, encore aujourd’hui, mes premiers jets manquent de décors. Je me concentre sur les personnages importants, leurs relations et leurs actions, et j’oublie à la fois le monde et les gens qui le peuplent. La troisième passe de travail sur mon roman Habemus Papam s’est focalisée là-dessus. J’ai retravaillé mon monde, sa technologie, son histoire, mais j’ai aussi et surtout rajouté des figurants. Gabriel s’est retrouvé avec des hommes à commander. Sarah a gagné des amis, des connaissances et des amants.

Mes personnages sont sortis de cette espèce d’asocialité générale qui n’était ni crédible, ni cohérente avec le caractère de certains et certaines. Parce que la plupart d’entre nous ont des contacts en dehors de leur conjoint et de leur meilleur ami, c’est aussi le cas de mes personnages. Montrer un échantillon des gens qui peuplent votre univers, de leurs looks, de leurs caractères et de leurs opinions est un bon moyen de développer un monde sans écrire une encyclopédie ou un traité. Ça le rend vivant et organique, et ça aide à complexifier et approfondir vos autres personnages en les montrant au contact des autres.

Caractériser un figurant

Alors… comment caractériser efficacement un figurant en quelques lignes ? Je suis très très loin d’être une experte dans ce domaine. Mais ce que j’essaye de faire, c’est de donner à mes figurants un trait de caractère qui se démarque un peu. Ça peut aussi être une raison d’agir ou une lubie. Parfois, c’est le lien qu’il entretient avec un autre perso. Il est possible et même intéressant de le faire avec un trait physique en plus, mais je ne décris pas mes persos dans mes meilleurs jours, alors ce sera généralement sans moi. Et s’il s’agit d’un personnage outils qui doit faire quelque chose d’important, je vous conseille de le faire apparaître à d’autres moments de l’histoire pour qu’il ne se limite pas entièrement à son rôle.

Prenons quelques exemples dans mes textes !

Le premier qui me vient à l’esprit, c’est Coffee dans Prison Putsch. J’aime beaucoup Coffee, pourtant on le voit à peine, il ne parle qu’une fois (et encore, je ne suis même plus sure) et il se contente de transmettre un message d’un perso à un autre. Mais Coffee, c’est le compagnon de clope silencieux d’Alessio. Ils ne partagent rien d’autre qu’une cigarette et un moment de tranquillité, mais quand Alessio va fumer avec lui, il sait qu’il n’a plus à calculer ou à manipuler. Sa caractéristique : c’est son mutisme permanent. Son lien : c’est les cinq minutes de détente qu’il apporte à mon personnage principal. Son utilité dans l’histoire : c’est le message qu’il fera passer. Mais par les pauses clopes régulières, il est aussi une respiration, et il permet de montrer que tout le monde dans cette prison n’est pas soit un ennemi, soit une personne à sauver.

Dans Belle du désert, il m’a fallu introduire des figurants pour montrer le faste du domaine royal. J’ai donc décidé de créer et donner corps à l’ordonnancière du palais. Elle est présente un peu partout, et je me réserve la possibilité de lui faire faire quelque chose d’utile pour l’intrigue si j’en ai besoin. Mais en attendant, je l’ai caractérisée par une lubie. Le cheval de bataille de l’ordonnancière, c’est de réussir à faire remplacer les miroirs du grand hall du palais. Le lecteur la découvre alors qu’elle obtient enfin gain de cause (en théorie), mais pour les autres personnages, son obsession pour les miroirs est un running gag. Il faudra que je l’exploite à nouveau, car je trouve que ça apporte un peu de légèreté et d’humour au texte.

Dans Habemus papam, j’ai envie de vous parler d’Ibrahim. On croise Ibrahim 3 ou 4 fois, dans des bars ou sur le mur qui entoure et protège la ville. C’est un ancien garde à la retraite qui vient encore parfois en renfort. L’élément marquant chez lui et son lien : c’est qu’il est le grand-père de Salomé (la petite fille de l’histoire), mais qu’il ne le sait pas parce que Sarah n’a jamais avoué qui était le père de sa fille. Et… il n’a pas vraiment de rôle, si ce n’est de donner du corps à l’univers, de montrer qu’il est peuplé d’autre chose que de soldats actifs et de prêtres. Il est là pour montrer que Sarah connaît du monde, parle à plein de gens et apprécie tout un tas de personnes qui vivent dans son quartier.

Dans Nuits Blanches, il y a Bêta. Bêta, je l’aime d’amour, au point d’avoir écrit tout un tas de petites nouvelles où il apparaît (notamment celle-ci). Sa particularité : c’est que sa prothèse de bras est beaucoup plus technologique que les autres parce qu’il vient des quartiers riches. Son utilité : c’est d’être l’homme de main d’un gang qui menace une de mes persos principales. Mais son lien : c’est d’être l’amoureux de Jérôme, d’Alpha et de Nathan. Bêta est l’élément d’introduction au polyamour, dans un roman qui ne parle pas de cette thématique.

Quand un figurant nous échappe (oups)

Et parfois, ciel qui ne devait être qu’un figurant prend ses aises et nous échappe. Parfois, c’est le signe que vous vous éparpillez. Mais parfois, souvent, c’est une opportunité. En tout cas, ça a toujours été des opportunités, chez moi. Ca va sans doute en partie avec le fait d’être jardinière.

Je crois que le premier figurant à m’avoir échappé, c’est Azraël dans Habemus Papam. Azraël, c’était le serviteur de l’évêque. Juste un servant qui montrait que l’évêque ne vivait pas tout seul dans sa cathédrale comme un ermite. Trois passes plus tard, il complote avec Sarah et accompagne Gabriel à Néo-Vatican. C’est devenu un des cerveaux de ce putain de roman. Il ne lui manque qu’un point de vue pour devenir un perso principal.

Et je crois que l’autre exemple, c’est Black Mamba dans Prison Putsch. J’avais besoin d’un outil parmi les gardiens de prison pour aider mes taulards. Pour rendre ça crédible, j’ai creusé un peu dans le caractère et la vie de Mamba. J’avais besoin d’une accroche pour justifier qu’il contourne la loi pour Alessio. Ce faisant, je suis tombée amoureuse de ce perso, au point qu’il a gagné un roman à lui. Le texte n’est pas disponible, je n’ai jusque là pas pu le faire publier. Mais il existe parce que Mamba a soudain pris beaucoup trop de place.

Voilà, un petit aperçu de ce des personnages figurants peuvent apporter de meilleur à un texte. En tout cas, c’est ce qu’ils apportent aux miens, et j’espère réussir à continuer de progresser dans ma manière de caractériser les personnages autres que principaux et le monde qui sert d’arène à l’histoire.

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