Bien-être, Errances

Toujours sur mon smartphone ?

À presque 40 ans, il paraît que je ne suis plus ado depuis longtemps. Pourtant, quand j’entends « ces jeunes ; toujours sur leur téléphone », je me sens un peu visée. En effet, j’ai souvent mon téléphone à la main. Et dans cette réalité se trouve un mélange de nécessité, d’activités culturelles et de mauvaises habitudes qu’il me paraissait intéressant de détricoter.

Les enseignements et le vortex des réseaux sociaux

Au fil des années, j’ai débarqué sur divers réseaux sociaux, tantôt par curiosité et par imitation, tantôt avec un objectif assumé de visibilité. Souvent, j’y ai trouvé du bon. Parfois, le bon s’est changé en mauvais et j’ai fini par en partir.

  • Facebook m’a longtemps permis de me tenir au courant de l’actualité de ma profession. Malgré son côté un peu has been (il faut bien l’avouer), il reste le meilleur chanel de communication de mon blog.
  • Avant de tourner au pugilat, Twitter a créé ma prise de conscience politique et militante. Il m’a permis de suivre en direct les avancées de la recherche sur le Covid en 2020 et j’ai beaucoup apprécié de suivre en direct les comptes des personnes qui étaient en première ligne (médecin, épidémiologistes, chercheurs…).
  • YouTube a été mon vulgarisateur scientifique en astronomie, en physique, en médecine et en linguistique. Je continue à y aller de temps en temps.
  • Instagram, quand l’algorithme était moins mercantile, m’a apporté les premières bases de ma communication en tant qu’autrice. Il m’a servi d’exemple concret pour comprendre les algorithmes et leur influence.
  • Spotify, grâce aux nombreux podcasts que j’écoute, est désormais ma porte ouverte sur la sociologie, le féminisme, la psychologie et le polyamour.
  • Cara et Vero m’offrent une visibilité en tant que photographe, et pour la première fois, je profite et découvre des réseaux vraiment dédiés à l’art et sa pratique.

Il y a juste deux problèmes :

  • L’effet vortex. Les algorythmes et les usagers changent avec le temps. Les réseaux se commercialisent, se radicalisent et/ou noient les contenus recherchés sous des contenus sponsorisés qui arrivent à la fois à m’accrocher et à me faire oublier les raisons de ma présence.
  • L’absence d’arrêt. Les transitions sont des étapes pas toujours simples, notamment dans les neuroatypies. Une fois lancée, je sais que j’ai des problèmes pour arrêter, et l’auto-discipline n’est clairement pas fiable chez moi. Parfois, les dix minutes initiales deviennent une heure. Et la culpabilité vient se mêler à la situation.

Je pense avoir résolu beaucoup de ces problèmes en quittant définitivement Twitter puis Instagram. J’ai redirigé mon attention vers des réseaux actuellement plus safe pour ma santé mentale comme Mastodon, Cara et Vero.

En résumé, les réseaux sociaux peuvent apporter beaucoup de bonnes choses, mais il est rare qu’un réseau reste sain dans la durée, et il est sans doute bon de se demander régulièrement, au fil des années, si on y trouve toujours ce qu’on était venu y chercher. Et de le quitter si nécessaire pour en trouver un autre, même si s’installer sur une nouvelle plateforme est souvent pénible et chronophage.

Garder le contact

Je vous ai déjà parlé de Discord dans cet article. Mon téléphone, c’est pour moi un très fort outil de lien social. Tant que je ne suis pas obligé de téléphoner. Pour ça, Discord est mon application principale et WhatsApp la seconde. Par ces applis, je garde le contact : par écrit, photos, émoji, mèmes. C’est ma source principale de lien social, d’échanges, de débats de fond ou d’actualité, de râlerie et de puzzles…

Alors… non. Avoir le nez sur mon téléphone ne me coupe pas du monde et des gens. Je l’entends souvent. Je sais que ça peut avoir un fond de vérité, notamment avec les réseaux sociaux et leur spirale addictive. Mais je sais aussi que c’est vraiment faux quand il s’agit de parler de liens entre les gens, surtout quand on est NeuroAtypique. Internet est, depuis mon enfance, mon laboratoire de socialisation. Et le smartphone me permet de transporter désormais ces liens sociaux avec moi en permanence. Avoir le nez sur mon téléphone, quatre-vingts pourcent du temps, ça me connecte aux gens.

Me cultiver, m’informer, me former

C’est aussi sur mon portable que je suis les actualités et lis la presse. Parce que… après des années à éviter les bulletins d’information télévisés ou radiophoniques… je m’y suis remise à ma façon. Désormais, je sélectionne les sources médiatiques et je me concentre sur la presse écrite. Mes journaux favoris : Le monde, Reporterre et Médiapart. Je sais, ce sont des journaux de gauche. Il faudrait que je retourne voir ce qu’il se passe sur La croix. Ce journal chrétien a l’avantage d’être souvent sourcé et modéré dans son approche.

Enfin, l’un des petits derniers sur mon téléphone (plus tant que ça, à vrai dire) : Duolingo. Voilà 6 mois que j’utilise quotidiennement cette application pour apprendre le japonais. Et si ce n’est pas magique… j’ai enfin passé le cap fatidique de la première leçon sur les adjectifs qui m’a déjà fait décrocher six fois. Les articles récents moquent l’application et ses usagers. Il y a dedans du vrai et du faux. Non, on ne devient pas bilingue en un an avec cinq minutes par jour. Oui, il faut creuser certaines choses à côté, notamment la grammaire qui n’est jamais vraiment expliquée. Et oui, les notifications sont un enfer, j’ai tout désactivé dès le premier jour. On ne va pas vite avec dix minutes par jour, mais entre les pics d’activité où j’y passe dix heures dans ma semaine et le besoin de pousser toujours plus mon record de nombre de jours sans décrocher… on peut finalement aller assez loin. Et après 6 mois, je me découvre capable de vaguement raconter ma journée en japonais. Pas si mal, pour une appli censée ne pas pouvoir nous apprendre une langue.

Un outil de régulation émotionnelle

Enfin, mon smartphone est aussi un outil de régulation émotionnelle. Je viens de découvrir que je suis autiste (ça, je m’en doutais fortement) et TDAH (c’était évident, mais je l’avais pas vu venir). Je comprends désormais mieux pourquoi j’ai du mal à la fois avec la sociabilité (les échanges avec les gens, mais aussi le bruit et le mouvement qui vont avec), mais aussi avec l’ennui !

Il y a des choses que j’ai mis du temps à comprendre. Notamment, que discuter en tête à tête avec quelqu’un est souvent compliqué. J’ai du mal à focaliser mon attention sur l’autre, à rester concentrée, à mémoriser ce qui m’est dit et à le réutiliser à bon escient, à jauger comment apporter ma contribution à l’échange sans le vampiriser. Et savoir que je suis la seule interlocutrice génère de la pression, parce que si je ne joue pas correctement ma part de cet échange social, c’est tout le principe de la discussion qui s’effondre. D’un autre côté, les échanges à plusieurs me permettent plus facilement de décrocher et raccrocher, mais ils forment un bruit de fond qui rend difficile la compréhension orale et rendent l’expérience fatiguante.

Alors, quand je discute avec les gens, il est très courant que je sorte mon téléphone et que je décroche momentanément pour regarder autre chose. Et si c’est possiblement, un peu, une mauvaise habitude, c’est aussi et surtout un mécanisme de bouclier et de respiration. Quand je suis concentrée sur mon téléphone : ma bulle se recréée et j’ai un peu la sensation de vider ma mémoire vive et de rebooter mon cerveau pour pouvoir repartir dans sa discussion (au lieu de rester bloquer sur ce qui a été dit il y a 10 minutes et dont tout le monde est passé à autre chose, par exemple).

Quant à l’ennui… je crois que j’ai toujours besoin de penser, de réfléchir, d’imaginer, de débattre. Comme si mon cerveau était un requin qui risque de mourir d’asphyxie s’il n’est pas en train d’avancer (de découvrir quelque chose ou de résoudre un problème). Je ne sais pas si c’est l’âge qui avance, mon cycle hormonal revenu au naturel, la fatigue mentale liée à l’anxiété et aux responsabilités d’adulte ou si j’ai juste occulté que j’étais aussi comme ça en étant enfant. Mais il y a des moments où mon ennui heurte mon absence d’énergie, et ça donne une sensation de « down » franchement désagréable. Dans ces moments, les petits jeux crétins sur téléphones se font pourvoyeurs de dopamine. Ils remplissent le vide. Et parfois, pour redescendre après une journée de boulot, remplir le vide en coloriant virtuellement des cases de couleur a ses avantages.

Pour résumer…

Je fais partie de la génération qui a grandi en même temps qu’Internet, et qui a découvert qu’Internet était pourvoyeur d’un univers entier : laboratoire, encyclopédie absolue, école, console de jeu, lieu de rencontres et d’échange, opportunités professionnelles… un monde présent dans un ordinateur, puis dans un smartphone. Il y a beaucoup plus dans ces petits objets qu’un élément de distraction et d’addiction malsaine. Pour beaucoup d’entre nous, le smartphone ne nous coupe pas du monde. Il nous y connecte.

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