Si vous êtes familier du monde littéraire, vous avez sans doute déjà entendu parler du National Novel Writing Month, ou NaNoWriMo de son petit nom. En novembre, des personnes du monde entier se mettent au défi d’écrire 50 000 mots en un mois, l’équivalent d’un petit roman. Le tout en utilisant un site de suivi et de gamification, l’émulation collective de l’évènement et parfois des soirées d’écriture bien réelles dans les grandes villes.
Disclaimer : Voilà plusieurs années que le comité organisateur du NaNo est épinglé pour ses choix ou les valeurs portées, notamment cette année concernant l’IA. Je vous parle ici uniquement du challenge d’écriture, du point de vue que quelqu’un qui ne s’est pas penché sur l’évènement en lui-même depuis au moins 4 ans. Cet article ne porte donc pas sur la dimension politique de l’évènement et de son commité, même si elle bien sûr fondamentale. Je ne suis pas assez informée sur le sujet. Mais n’hésitez pas à aller chercher les infos, il y a pas mal de gens qui sauront très bien vous expliquer cette dimension politique.
Je n’ai plus rien à me prouver
Cette phrase est fausse, bien sûr. J’ai encore beaucoup, beaucoup de choses à me prouver : que je peux intéresser des éditeurices de l’imaginaire, écrire (au moins une fois) pour la jeunesse, écrire un roman choral, corriger plus efficacement et faire quelque chose de tous les manus qui traînent sur mon disque dur, m’améliorer d’année en année, avoir un jour un prix, créer une carrière et réunir un lectorat qui aimera mes romans sur la durée…
Mais je n’ai plus besoin de me prouver que je peux terminer un premier jet.
Je sais qu’écrire régulièrement n’est plus un problème pour moi. Je suis toujours sur un roman : premier jet, réécriture, corrections… il ne se passe pas un mois sans que je travaille sur un texte, et j’y passe souvent plusieurs heures par semaine. J’ai déjà écrit une dizaine de premiers jets, j’ai autant de projets entamés ou en germination.
Si je n’avance pas aussi vite que je le voudrais dans ma carrière, c’est parce qu’il y a eu de mauvais choix, des échecs, des retours en arrière, des projets multiples menés de front, des évènements de la vie ou des corrections à rallonge. Mais le temps où l’écriture était un hobby parmi d’autres, que je pouvais laisser de côté six mois d’affilée, n’est plus depuis longtemps. Je n’ai plus besoin de l’émulation de tout un groupe pour me forcer à écrire régulièrement et à persévérer assez longtemps sur un même roman pour arriver au bout.
Un sprint qui épuise
Et clairement, le NaNo, c’est épuisant. Cinquante mille mots en un mois, ça fait 1667 mots par jour. Je le sais, parce que je l’ai fait au moins deux fois. Pour moi, ce genre de chiffre implique environ deux heures d’écriture par jour. Parce que mon objectif n’a jamais été d’aligner les mots sans réfléchir et de devoir tout reprendre ensuite, cela demande du temps et de la concentration. C’est faisable sans soucis certains jours, beaucoup plus compliqué certains autres.
En général, je mettais 4 à 5 jours pour rattraper une journée où je n’avais pas pu écrire du tout. Parce qu’écrire presque 4000 mots en une journée pour rattraper son retard, même un dimanche, c’est souvent mission impossible en termes d’énergie. Beaucoup d’auteurices professionnels vous le diront, une fois que l’écriture est une part importante de votre agenda, la limitante n’est plus le temps disponible mais la fatigue mentale. Écrire du premier jet pur pendant huit heures par jour, ce n’est pas tenable sur la durée, et c’est juste impossible pour la plupart d’entre nous.
Autant dire que ça ne laisse pas beaucoup de jokers, si on veut réussir le challenge. Et vous entendrez souvent dire, de celleux qui l’on fait, que ça implique une sacrée pause le mois suivant. Parce qu’il faut se remettre de la fatigue, retrouver le plaisir là où certains jours avaient pu devenir une corvée, et surtout rattraper tout ce qu’on a mis de côté pendant un mois : travail, ménage, paperasse, sport, rendez-vous médicaux, courses, activités sociales et autres loisirs…
Un équilibre sur le long terme
Alors, faire un super sprint d’un mois non-stop, pour ensuite s’écrouler sous la fatigue et les tâches de la vie ? Ce n’est clairement pas l’équilibre que je cherche. Moi, je veux écrire deux ou trois jours par semaine, pour avancer bien et régulièrement, sans me cramer et sans accumuler de retard de tâches qu’il me faudra rattraper. Mon idéal, ce serait de pouvoir alterner les projets sur la base d’environ 2 à 3 textes par an. Une année idéale, ce serait quatre mois sur un premier jet, quatre mois sur une réécriture, trois mois sur des corrections plus avancées et un mois de vacances réparties dans l’année. Un objectif déjà sacrément difficile à tenir sur le long terme, année après année.
Alors, je me pose comme objectif de publier au moins un roman tous les deux ans, et ce sera déjà très bien. C’est peut-être déjà trop pour mon fonctionnement, la complexité de ma vie et mes loisirs multiples. Mais ça me paraît un objectif plus sain et plus atteignable que ces rush que je n’arrive de toute façon pas à tenir. J’ai terminé le Nano une fois, je le sais parce que ça m’a permis d’acheter Scrivener pour moins cher. Ça ne m’a pas vraiment marqué. Je ne sais plus sur quel projet c’était, je ne sais plus combien de fois je l’ai raté ou combien de fois j’ai fait des camps sur des objectifs plus petits ou en trichant un peu.
J’ai joué quelques fois, aujourd’hui ce défi ne m’intéresse plus. Mais je l’ai fait, et je comprends ce qui pousse à s’y lancer. Et oui, quand c’est notre manière de fonctionner, quand c’est un deal avec soi-même et son entourage, quand on a besoin du groupe ou d’un coup de pied aux fesses, quand on aime les défis… c’est une expérience qui a été formatrice et fondatrice pour beaucoup de gens que je connais. Alors, ne vous privez pas de le faire si vous en avez envie, mais ayez conscience que c’est un défi difficile, et que ce n’est ni un passage obligé, ni la seule voie possible pour écrire de manière sérieuse.
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