J’ai commencé ici une série d’articles sur mes intérêts spécifiques [IS]. Et j’avais décidé de lui accorder une seconde chance. Aujourd’hui, je voulais donc parler d’un intérêt spécifique qui avait « apporté un vrai plus à ma vie ». J’ai donc commencé à parler du Japon. Puis je me suis demandé pourquoi ce thème me paraissait stupide, et j’ai terminé par un article sur la mémoire. Oups ?
La mémoire autobiographique, cette vaste blague
Le thème original de cet article était « L’IS qui a apporté un vrai plus à ma vie ». J’ai vite choisi de le réinterpréter, parce que pour moi, cette catégorie n’a aucun sens. Depuis l’enfance, mes intérêts spécifiques ont participé à forger celle que je suis aujourd’hui : avec mes goûts, mes passions, ma culture un peu décalée et mes souvenirs.
Mes souvenirs ? Quelle drôle d’idée, ce lien entre les IS et la mémoire !
Eh bien, il faut savoir que la mémoire autobiographique et moi, c’est pas trop ça. J’ai découvert assez récemment que cette difficulté à se créer et se référer à une mémoire à long terme était courante chez les autistes. À priori, pour la plupart des gens, il est relativement aisé de se souvenir de leur vie, de leur passé, et de l’ordre dans lequel tout ça s’est déroulé dans leur vie. Chez moi… bof. Je possède les informations « encyclopédiques » sur ma propre vie, mais une mémoire construite et contextualisée ? Quézaco ?
Et l’aphantasie dans tout ça ?
Peut-être est-ce parce que je visualise très peu. On appelle « aphantasie » le fait de en pas être capable de visualiser mentalement une image. [voir une source ici]
Imagine une pomme. Que vois-tu ?
Les impacts ? Mon incapacité totale à dessiner, ma mémoire des visages absolument inexistante, et une mauvaise mémoire des évènements. En effet, je ne m’en souviens qu’en me les « racontant dans ma tête », et non en les revoyant. Dans une émission de reportage sur l’amnésie, j’avais été surprise de découvrir le témoignage d’un homme fortement aphantasique, et de son compagnon qui expliquait la manière dont ça impactait ses souvenirs et au final… sa mémoire de leur relation de couple.
Pas d’images, pas de contexte… pas de souvenirs ?
Je ne revis pas mes souvenirs. Si c’était le cas, ce serait… un espèce de grand vide. Je ne garde aucun souvenir précis de ce que je vois ou entends, et pas beaucoup plus des goûts ou des odeurs. À la limite, je vais conserver le souvenir des sensations physiques (la chaleur, le froid, le soleil sur mon visage, mes cheveux qui volent) et de mes émotions. Mais pas d’images. « C’est quoi, ce château ? Tu l’as visité deux fois, pourtant. » Honnêtement, vous connaissez un truc qui ressemble plus à un château qu’un autre château ? Des murs de pierre, des fenêtres, des jardins avec des fontaines… voilà. [C’est peut-être pour ça que je me suis intéressée très tôt à la photographie].
Bref, pour me souvenir des épisodes de ma vie, je ne les revois pas. Je me les raconte dans ma tête, comme une histoire. Et comme il faut beaucoup de lignes pour obtenir une belle description contextualisée utilisant les cinq sens… eh bien je simplifie pour économiser de la place. [Je précise que ce n’est absolument pas volontaire ou choisi].
Intérêt spécifique [IS] et mémoire
Alors… quel rapport avec les intérêts spécifiques ? Eh bien, j’ai toujours eu cette impression que mes intérêts spécifiques constituaient des marqueurs de ma vie. Ils sont le contexte de mes souvenirs. Demandez-moi de me souvenir des vacances passées dans telle région quand j’avais tel âge ? Zero. Par contre, si vous me demandez de me souvenir des vacances où j’étais à fond dans mon IS sur la photographie, il se passera déjà beaucoup plus de choses dans ma tête.
Si je devais raconter ma vie, je la découperais probablement de cette manière : ma période loups, ma période Égypte, ma période reptiles, ma période Japon, ma période photographie, ma période écriture. Et si c’est bien sûr beaucoup plus complexe que ça, je suis bien plus capable de me souvenir d’une période de ma vie quand un IS puissant y est associé. Pour moi qui ai eu et continue d’avoir des IS variés se succédant dans le temps, c’est cette chronologie-là qui constitue la structure de ma mémoire et de mon passé.
Alors l’intérêt spécifique qui a le plus marqué ma vie ? Lol.
PS : Promis, un jour, je ferais un article qui parlera vraiment du Japon.