Depuis le début du confinement et de cette période de pandémie, je gère plutôt bien la situation. Ma famille et moi habitons dans des régions épargnées. Je n’ai perdu personne, je ne connais personne qui soit tombé malade.
Avec mon compagnon, nous sommes confinés ensemble, dans un appartement assez spacieux, sans enfant. Nous avons un jardin commun herbacé et fleuri, dans lequel nous parvenons à trouver quelques créneaux presque tranquilles pour aller lire / marcher. Aucun de nous ne télétravaille, nous toucherons quand même tous les deux un salaire (pas forcément complet, mais suffisant).
Sauf que… je suis sous anxiolytiques, je ne dors qu’en prenant du xanax en double dose, alors que j’étais presque parvenue à me sevrer. Je culpabilise d’être en sécurité chez moi quand d’autres sont obligés de travailler. Je culpabilise presque de ne pas avoir « assez peur » du Covid, ou de parvenir à écrire malgré la situation.
Sauf que derrière cette absence de peur de la menace actuelle, il y a une espèce d’angoisse informe qui grandit en moi, et qui certains jours devient juste un peu « trop ».
La faute à cet écroulement de notre système de santé, à ces voisins qui ont passé le confinement à faire des apéros ensemble dans le jardin, à cette intolérance crasse qui me donne soudain l’impression de me péter littéralement à la gueule : le racisme, la grossophobie, les LGBTphobies (sans déconner, même le covid certains arrivent à nous le foutre sur le dos), le validisme, les violences policières, le personnel soignant qui se fait insulter et chasser de chez lui…
C’est de savoir qu’en ce moment des gens meurent de faim en France et que ce sera sans doute encore pire demain.
Et… presque plus que tout le reste, c’est de voir qu’on a en gros « deux options » pour l’avenir : détruire la planète en consommant à outrance, ou mourir de faim en ne consommant plus assez (par parce qu’il n’y aura plus à manger, mais parce qu’il n’y aura pas d’argent pour les précaires qui auront perdu leur job).
Jusque là, j’avais toujours réussi à me convaincre qu’il existait une troisième option. Un monde plus juste et plus équilibré où l’on pourrait consommer deux fois moins, où une partie de l’argent des plus riches servirait à nourrir les plus pauvres. Mais qu’est-ce que j’ai été conne. Il n’y a pas de troisième option. Il n’y a pas de monde idéal. On est juste tous en train d’aller dans le mur sans pouvoir rien y changer. Et putain, ça me terrifie tellement.
Alors, la plupart des jours, je vais bien. J’arrive à oublier. Je regarde cette nouvelle génération qui tente de faire bouger les choses. J’avance sur mes projets, parce que c’est la seule chose que j’ai à offrir au monde pour tenter de le rendre meilleur. J’apprends la langue des signes française, je fais un peu d’exercice, je cuisine. La plupart des jours, je profite de ce confinement en ayant honte de ne pas être en danger. Et puis parfois… parfois je me prends une grande claque dans la gueule, et je réalise qu’en fait, je ne gère pas du tout. Et j’ai honte de ne pas gérer.
Cherchez pas, je n’ai jamais prétendu être logique.