Le festival des Imaginales est depuis des années un incontournable concernant la littérature SFFF (Science Fiction, Fantasy, Fantastique). C’est mon festival de cœur. Le premier auquel je me suis rendue lorsque j’ai commencé à prendre le métier d’écrivaine au sérieux. Celui où j’ai rencontré les auteurices avec qui je discutais en ligne. Aujourd’hui, les Imaginales sont un peu des retrouvailles en famille, pour moi.
Imaginaire et société
Après l’interruption liée au covid, le festival nous a offert une édition d’automne particulière, mais significative. L’éclatement au grand jour des actes de Stéphane Marsan dans un article de Médiapart peu avant a permis une libération de la parole dans ce milieu qui ne diffère pas vraiment des autres. Dans ces discours et ces revendications, nous sommes plusieurs à avoir espéré une évolution des moeurs et une avancée sur l’égalité hommes-femmes et l’inclusion de toutes les minorités.
Car, quoi de mieux que la SFFF pour réinventer le monde, explorer les possibles, faire réfléchir aux biais de nos sociétés en faisant un pas de côté ? La SFFF, c’est Mary Shelley qui parle d’expérimentation humaine et d’altérité avec Frankenstein en 1818, c’est Ursula Le Guin qui explore le genre et la non-binarité dès 1969, c’est le hope punk qui travaille sur des avenirs positifs, technologiques et égalitaires dont on trouve déjà les prémices dans la série Star Trek en 1966.
Mais comme beaucoup de milieux, la SFFF, c’est aussi une hégémonie d’auteurs blancs, hommes et privilégiés qui écrivent avec tous leurs biais misogynes et racistes. Et ce sont des hommes de pouvoir qui, comme partout, exploitent ce pouvoir.
Alors en 2022, nous espérions une édition des Imaginales qui profiterait de cet élan pour amener encore plus d’ouverture et d’égalité. D’autant plus que le thème était cette année « Afrofuturisme ».
Les Imaginales 2022
Mais pour cette édition, plusieurs éléments ont évoqué un sérieux recul. Une fuite du programme initialement prévu a permis à toustes de réaliser qu’un changement ciblé avait eu lieu en dernière minute.
Une table ronde sur l’égalité homme/femme a vu son titre changer pour parler à la place de l’entreprise du futur. Certains invités ont été remplacés sur les interventions prévues (étrangement, celles et ceux qui s’étaient exprimés un peu trop fort en automne). Et les francs-maçons proposaient une série « d’initiations » à d’autres cultures. La conférence sur l’islam ? « Radicalité de l’islam ou islam radical », ce sera la seule a être traitée ainsi.
De plus, une rumeur s’est répandue durant le festival, indiquant que Stéphanie Nicot, directrice artistique depuis la première édition et prônant l’ouverture et la diversité, serait sur la sellette pour l’année prochaine.
Alors, 3 semaines avant le début du festival, nous avons mis en place les ImaRginales. Le groupe réuni sur internet a grandi en quelques jours. Je m’y suis ajoutée pour apporter ma contribution.
En signe de ralliement, nous avons distribué des rubans rouge et noirs et des tracts prônant une SFFF ouverte et diverse. En protestation, nous avons organisé des lectures et des tables rondes hors programme dans le parc. Et nous nous sommes rendus à certaines conférences pour y faire entendre nos voix.
L’avenir du festival
J’ai peur pour les Imaginales de l’année prochaine. Certains diront que nous n’avons qu’à cesser de nous y rendre, si nous ne sommes plus d’accord avec la programmation et l’éthique du festival. Mais est-ce que ce ne serait pas abandonner notre milieu à celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec nous ? Personnellement, je refuse que le premier festival de science-fiction, fantasy et fantastique de France s’enferme sur une vision rétrograde et conservatrice de la magie, de l’aventure et de l’avenir.
La SFFF nous appartient aussi, à nous qui sommes gay, non binaires, gros, handicapés, racisés, et qui écrivons des personnages qui nous ressemblent et des sociétés qui nous acceptent.
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