Disclaimer : Cet article présente mon interprétation des œuvres que j’y évoque, interprétation forcément biaisée. Il n’a pas vocation à vous présenter une vérité ou le résultat d’une rechercher documentée.
Avez-vous déjà entendu parler de Philip K. Dick ? Peut-être pas, pourtant, vous avez forcément déjà entendu parler de ses œuvres, où du moins de ce qu’elles sont devenues. Moi, je l’ai découvert lors des dernières Utopiales où il a été particulièrement mis à l’honneur.
L’une de ses œuvres les plus connues : Do Androïds dream of Electric Sheep ?* Derrière ce titre énigmatique, un autre bien plus connu : Blade Runner. En effet, P. K. Dick est probablement bien plus « connu » pour les adaptations cinématographiques de ses œuvres que pour les textes eux-mêmes. Dans son palmarès, le très célèbre Blade Runner, mais aussi Total Recall, Minority Report ou A Scanner Darkly pour ne citer que les plus connus. Des œuvres incontournables du cinéma de science-fiction. Mais qui était donc P. K. Dick, l’auteur derrière ces films qui ont participé à la fondation d’un genre ?
Un auteur très prolifique et hautement inadapté
Né en 1928, P. K. Dick devient écrivain professionnel à 24 ans. Il écrit tout d’abord des nouvelles, avant de passer aux romans. Mais son style d’écriture et ses univers complexes aux concepts scientifiques hors normes le laissent assez méconnu malgré sa grande prolificité. Son premier succès intervient 10 ans plus tard avec Le Maître du Haut Château.
Mort en 1982 à 54 ans, juste avant la sortie de Blade Runner, il aura écrit 49 romans (dont 3 non publiés) et environ 130 nouvelles au cours de ses 30 ans de carrière, ainsi que plusieurs essais, un journal et d’autres choses encore moins facilement classifiables.
Les questions essentielles sur lesquelles P. K. Dick s’interroge dans ses œuvres sont aussi celles qui le terrorisent : Qu’est-ce que la réalité ? Qu’est-ce que l’homme ? Mal dans sa peau et dans la société, P. K. Dick est l’auteur maudit dans sa plus pure manifestation : prolifique, asocial, noctambule, drogué, terrorisé par des fantasmes de persécution et de complots.
Blade Runner : film ou livre ?
Les deux, de manière extrêmement différente.
P. K. Dick a participé au processus de création du film et semblait satisfait de la manière dont son texte y était interprétée. Pourtant, derrière un message identique, les deux œuvres présentent des différences assez significatives.
L’intrigue du roman est simplissime : un homme gagne sa vie en détruisant des androïdes qui se font passer pour des humains. La rencontre de plusieurs de ces androïdes super évolués vont mettre à mal sa vie et ses croyances. Dans le roman, pas de tentative des androïdes de se retourner contre leurs créateurs. L’histoire se déroule sans véritable accro jusqu’à la fin, portée par un personnage qui est l’antithèse du héro. Plat, sans caractère ni charisme, le but ultime de sa vie est de pouvoir se payer un animal véritable pour remplacer son mouton électrique si pitoyable face au cheval « naturel » de son voisin.
Nous y retrouvons un « héro » qui passe son temps libre à se connecter à une sorte d’interface sociale où il suit la figure divinisée d’un homme qui grimpe sur une montagne jour après jour. Pendant ce temps, sa femme s’assomme à coup d’émotions provoquées par une machine. L’évolution des personnages au cours du texte existe, mais elle nous interroge plus qu’elle ne nous soulage, car elle ne semble avoir pour but que de nous ramener au point de départ, avec un retour à leur situation d’origine.
Les personnages et l’univers du roman, si particuliers par l’absence totale d’attachement qu’ils déclenchent chez le lecteur, portent la vision de l’humanité selon P. K. Dick : morne, fade et sans espoir. Face à ces anti-héro, les androïdes se posent en point de comparaison par leur côté fondamentalement humain. D’autant plus, quand les humains biologiques sont si étrangers que nous nous retrouvons incapable de nous y identifier. Un style qui porte le message de l’auteur, mais rend le texte assez peu accessible**. En comparaison, le film est bien plus abordable, car le message y est dilué par les jeux d’acteurs (qui jouent des humains un minimum humains) et l’étoffement de l’intrigue. Probablement un choix, car si Blade Runner forme avec d’autres films la fondation du cinéma de science-fiction moderne, Do Androïds dream of Electric Sheep est plutôt à classer, selon moi, dans les OVNI de la littérature.
- * Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?
- ** Je pense utile de préciser ici que j’ai lu le texte dans sa version originale.
Sources pour la biographie de P. K. Dick : Article Wikipedia et article du blog : Quarante-deux : les archives stellaires.