Aujourd’hui, une chronique un peu particulière. Je n’ai pas l’habitude de chroniquer des romans que je n’ai pas aimés, je préfère largement partager ici les textes qui me plaisent, me surprennent ou m’émeuvent. Ceux qui résonnent. Mais, étant jury du Prix des Auteurs Inconnus, j’ai l’obligation de partager avec vous mes impressions sur Contre vents et marées de Audrey Martinez.
Vous l’aurez compris, je n’ai pas aimé ce roman. Je vais m’efforcer de vous présenter ici les choses qui m’ont posé problème, en étant le plus objective et constructive possible. Il s’agit bien sûr d’un retour personnel de lecture, et certains pourront très bien apprécier le roman malgré cela.
Tout d’abord, je me suis heurtée au manque d’originalité du texte. Bien sûr, je ne dis pas que chaque œuvre doit raconter une histoire fondamentalement nouvelle et extraordinaire. C’est impossible. Et personnellement, j’apprécie énormément les petites histoires ordinaires, surtout en romance. Mais ici, je n’ai eu aucune surprise. Les personnages répondent à des clichés bien établis et n’en dérogent guère, l’intrigue est cousue de fil blanc, et j’ai deviné nombre de « bouleversements » avant qu’ils ne se produisent tant ils étaient attendus.
Commençons notre petit tour d’horizon par les personnages. On trouve ici une héroïne façon « pure jeune fille ». Vivant dans une famille aisée mais étouffée par une mère mal-aimante, elle n’aspire qu’à une vie simple et heureuse. Elle est douce, généreuse, et un peu niaise (je ne peux malheureusement pas vous en dire plus à ce sujet [because spoiler, or le règlement du prix m’interdit d’en faire], vous devrez donc me croire sur parole ou vous faire votre propre opinion). Son amoureux correspond à ce que j’appelle le « faux bad boy ». Pauvre, fils d’une famille déstructurée à la mère alcoolique, il est courageux, travailleur, attentionné, protecteur, un peu bagarreur (pour pouvoir protéger les siens) mais pas trop (il ne faudrait pas salir). Quant aux personnages secondaires, je ne suis pas pour envoyer au pilon toute œuvre dans laquelle les protagonistes seraient tous désespérément blancs, français, cisgenres, hétérosexuels et valides. On peut avoir de très bons romans avec une représentation moisie. Mais être incapable de trouver le moindre personnage féminin porteur d’une image positive (en dehors de l’héroïne, et encore), je trouve ça vraiment, vraiment dommage.
Du point de vue de l’intrigue, l’ensemble m’a paru assez bancal. La faute à un grand nombre d’incohérences ou d’approximations, en particulier médicales (et il ne faut pas chatouiller la louve sur la cohérence médicale [mais spoiler aussi, désolée]). De plus, j’ai passé le roman à tout trouver beaucoup trop facile. La situation initiale est présentée comme presque inextricable pour les deux partis (et avouons-le, c’est ça qui est bon). Mais toutes les solutions vont perpétuellement leur tomber toutes cuites dans le bec au moment opportun (je ne donnerai qu’un exemple, mais c’est loin d’être le seul ou le plus gros : l’épicier du quartier qui a comme par hasard besoin d’une aide pour tenir sa boutique pile au moment où faux-bad-boy a besoin d’un job). Quant aux difficultés annoncées : la mère soi-disant tyrannique se contentera de proférer des menaces sans jamais les mettre à exécution. La gamine à l’emploi du temps rigide n’aura jamais aucun mal à se libérer pour aller voir son amoureux quand elle en a envie (et même pas en cachette), le lycée ou les travailleurs sociaux ne feront jamais une apparition, et enfin, personne ne portera jamais plainte (à part les gentils).
Enfin, le style. Malheureusement, ici aussi j’ai été fortement déçue. J’ai mentionné une tendance au tell dans ma précédente chronique, il est ici beaucoup trop présent. L’histoire n’est pas vraiment mise en scène. Pas de descriptions, pas d’ambiance, pas de contexte… les passages narratifs ressemblent à des résumés de ce qui est censé se produire plutôt qu’au récit d’un moment de vie. Quant aux dialogues, ils sont constitués d’un assemblage de répliques, souvent peu naturelles, et elles aussi sans contexte. Quelques indications éparses donnent une vague idée de mouvement ou de ton de voix, mais c’est rare. Le reste du temps, il faut faire avec la réplique brute, sans aucune idée du ton employé, aucune indication de langage corporel, d’expression de visage ou d’émotion suscitée par les échanges. Pour l’un des dialogues, il m’a fallu cinq échanges avant de savoir qui parlait avec qui. Pour un autre, j’ai dû attendre la fin de sa scène pour savoir si la cousine était présente en personne ou au téléphone.
Vous l’aurez compris, j’ai été très loin ici de la lecture plaisir et j’ai sincèrement eu du mal à terminer ce roman. J’ai essayé malgré tout d’être constructive dans mon retour, parce que beaucoup des défauts de ce texte sont des soucis classiques et curables d’auteur débutant. Nous sommes très nombreux à passer par là dans notre écriture. J’espère donc que mon avis sera utile non seulement aux lecteurs, mais aussi aux auteurs en herbe qui cherchent à affiner leurs écrits.
Si vous souhaitez vous faire votre propre opinion, vous pouvez retrouver l’autrice sur son site internet et sa page Facebook.
Je me permets juste une petite question : avez- vous déjà écrit un livre ? Votre plume est assassiné et , à mon sens, vraiment méchante. On peut ne pas aimer un ouvrage mais employer de tels mots pour le décrire ne vous rend pas hommage. C’est regrettable. Surtout quand on juge un auteur » inconnu ». Je reste ouverte au débat, en toute bienveillance, étant moi-même en train de commencer ce livre …suite à votre chronique. Cordialement
Bonjour. Pour répondre à votre question, j’écris également et mon premier roman sortira dans les mois à venir.
J’ai parfaitement conscience d’avoir été dure, et je ne me serais jamais permis une telle chronique sur une lecture loisir. Cependant, l’autrice savait à quoi elle s’engageait en participant à ce prix, et j’ai moi-même promis d’être sincère dans mes commentaires. Je ne pouvais me permettre d’être moins sévère avec ce texte que je ne l’ai été avec ceux que j’ai aimé et pour lesquels j’ai rendu des chroniques mitigées. Cependant, n’hésitez pas à m’indiquer quels sont les mots de mon retour qui vous ont heurtée à ce point.
Et bien entendu, sentez-vous libre de venir indiquer après lecture ce qui vous aura plu dans ce livre afin de mitiger ma chronique. Celle-ci n’avait rien de personnel, et j’accepte parfaitement que ce livre puisse plaire à d’autres que moi (ce qui est le cas, si j’en crois les commentaires notamment présents sur Amazon). J’espère sincèrement que ce sera le cas pour vous.
Excusez moi pour mon second commentaire que vous pouvez effacer . Mon ordinateur à buggé. Je vous remercie pour votre réponse que je découvre.
Permettez moi de vous féliciter pour votre roman à venir que j’espère pouvoir lire. Quelle aventure cela doit-être.
Pour reparler de notre sujet, des mots comme » représentation moisie », c’est rude . Ce passage sur les personnages secondaires a été douloureux à lire .
Est ce que tous les livres doivent avoir une héroïne forte ? Nous sommes dans une actualité qui montre enfin des destins de femmes, leurs batailles, leurs avancées. Mais devons-nous en retrouver partout au risque de ne plus laisser de place au reste ? Je ne pense pas mais c’est un tout autre débat, et croyez bien que je suis une féministe convaincue .
N’etant pas dans le domaine médical, je ne peux répondre à ce que vous soulignez , peut-être que cela aurait eu de la place dans votre chronique . Pour ma part, cela m’aurait permis d’apprendre des choses.
Vous me soulignez que l’autrice savait à quoi elle s’exposer en participant à ce prix. Je ne la connais pas mais elle doit avoir une sacrée carapace pour lire cela.
Je suis à la page 75 du livre et je vois un ambiance, un contexte , des dialogues cohérents.
Nous avons tous notre sensibilité de lecteurs , je le respecte. À très bientôt pour la suite .
Merci pour cet échange. Je me doutais un peu des mots qui avaient pu vous heurter, même si ceux là ne visaient pas spécifiquement ce roman mais la catégorie de romans que je décrivais dans le paragraphe (et sur lesquels je précise qu’ils peuvent être bon malgré tout). Bien entendu, j’entends que toute héroïne ne peut pas être forte, surtout qu’on parle là d’une jeune fille de seize ans. Ce qui m’a posé soucis, c’est l’ensemble. Les deux mères, la tante et la cousine donnent des images négatives (elles coulent les héros au lieu de les aider). Les personnages forts ou positifs de ce texte (les alliés, en somme) sont : le héros, les deux pères et l’épicier. Soit 4 hommes pour 0 femmes. Et là, oui, les chiffres commencent à me déranger un peu.
Concernant la cohérence médicale, j’aurais vraiment aimé pouvoir donner un avis argumenté sur ce qui m’a dérangé et pouvoir en discuter. Mais le règlement du concours m’interdit strictement tout spoiler et ça concerne deux retournements majeurs du texte.
Et j’ai bien sûr conscience que ma chronique peut être blessante pour l’autrice. Encore une fois, ce n’est pas personnel. Je ne la connais pas. Mais je me suis engagée à donner un avis sincère et argumenté sur tous les romans sélectionnés pour ce prix. C’est ce que je me suis efforcée de faire. En tout cas, tant mieux si vous prenez plaisir à votre lecture.