Je vous expliquais précédemment pourquoi j’aimais les cases, et pourquoi j’essayais toujours de m’en trouver dans tous les domaines. Je vais tenter ici d’élargir le sujet en parlant de l’influence de ces cases dans la vie en société, et de la manière dont j’interprète les relations sociales à travers elles.
Mes cases, une carte d’identité de mon être
Car ces cases dans lesquelles j’aime me ranger, je les utilise lorsque j’échange avec des gens. Parfois, dans un but de revendication (mon orientation sexuelle), parfois pour tester ces cases en les confrontant au regard de l’autre (comment la personne me perçoit-elle, est-ce ou non en adéquation avec la manière dont je me perçois moi-même), et parfois dans l’espoir de faire respecter mes choix et mes limites (mon intolérance au bruit ou à la socialisation).
Et bien souvent, je cherche ainsi à savoir dans quelle case se range la personne avec laquelle j’échange (parfois de manière bien trop insistante, sorry) et à discuter de ladite case. Peut-être parce que pour beaucoup d’entre elles, je suis encore en pleine recherche identitaire.
Quoi qu’il en soit, j’aime parler des cases, comparer les miennes à celles des personnes autour de moi, débattre, échanger sur leurs limites, leurs formes, la manière dont d’autres les comprennent et les interprètent, élargir mon point de vue. C’est ma manière à moi de m’intéresser à l’autre, là où je suis parfois incapable de retenir les éléments plus basiques tels un prénom, une date de naissance, un métier ou une situation familiale.
L’utopie d’un monde sans cases
Et si je reçois parfois en retour une réponse du type « je me fiche des cases », j’ai bien souvent du mal à l’imaginer. Certaines personnes parviennent-elles vraiment à s’astreindre des cases dans un monde où elles nous entourent en permanence ?
Après tout, les gens les utilisent au quotidien. Il me parait difficile de réfléchir autrement, même en ayant cette volonté de ne pas leur accorder d’importance, ou de les faire disparaître.
La couleur de peau, la nationalité, la religion, le genre, l’orientation sexuelle… tout le monde les connait et les utilise. Ne serait-ce qu’à travers le « bonjour, madame » ou « bonjour, monsieur » que j’entends toute la journée au travail, et l’hésitation un peu perdue qui résulte quand on est incapable de décider lequel utiliser face à quelqu’un.
Et je suis la première à supposer que les gens que je rencontre sont cis/hétéros de base, alors que je ne le suis pas moi-même. Parce qu’il s’agit de la case « par défaut » tel que la société nous l’enseigne. Et c’est sans doute ça, le souci. Cette notion, parfois inconsciente et involontaire, que certaines cases sont plus « normales » que d’autres.
Alors, quelle est la solution ?
Pouvons-nous vraiment nous abstraire de toute case ? Inventer une société dans laquelle il n’y aurait ni origine, ni religion, ni parti politique, ni genre, ni orientation sexuelle… ? Comme une utopie où l’intolérance ne pourrait pas exister ? Un monde où les seules données importantes sur une personnes, ce seraient celles qu’elle nous donne par son langage, son attitude et son expression corporelle (vêtements, tatouages, etc…) ?
Ou doit-on continuer à créer des cases, et juste prendre l’habitude de demander à la personne en face à laquelle elle appartient, sans sous-entendre automatiquement qu’elle fait partie de la case « dominante » jusqu’à preuve du contraire ? (Je parle bien entendu ici des cases invisibles, les autres ont leurs propres conséquences et provoquent autant voir plus d’intolérances. N’hésitez pas à aller lire le travail des personnes racisées pour connaitre leur ressenti sur le sujet.)
Et vous, pour quelle société êtes-vous ? Une société sans cases ? Une société de libres-cases ? Ou une autre société encore ?